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mardi 24 avril 2018

CHILI: LE PAPE FRANÇOIS EN RÉDEMPTION FACE AUX VICTIMES DE PRÊTRES PÉDOPHILES


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LE PAPE FRANÇOIS AU PALAIS PRÉSIDENTIEL DE LA MONEDA À 
SANTIAGO, AU CHILI, LORS DE SA VISITE LE 16 JANVIER 2018. 
PHOTO VINCENZO PINTO
L'Église catholique vit des moments historiques au Chili : au début du mois, le Pape François a reconnu dans une lettre envoyée aux évêques chiliens « de graves erreurs de jugement » concernant les affaires d'agressions sexuelles et de viols commis par des prêtres dans ce pays d'Amérique du sud. Il a même invité officiellement au Vatican des victimes d'un gigantesque scandale de pédophilie révélé en 2010, et dissimulé pendant des années par la hiérarchie de l'Eglise chilienne. En réaction, l'archevêque de Santiago a reconnu pour la première fois qu'un évêque du sud du Chili, accusé de complicité dans une affaire de pédophilie, devait se mettre en retrait.
CHILI: LE PAPE FRANÇOIS, ICI DANS LA CATHÉDRALE DE
 SANTIAGO LE 16 JANVIER, A RENCONTRÉ EN SECRET
LES VICTIMES DE PRÊTRES PÉDOPHILES.
PHOTO LUCA ZENNARO
La nouvelle posture du pape François et de l’Église constituent un revirement radical par rapport à l'attitude de l'Eglise chilienne ces dernières années, et du pape lui-même lors de sa visite dans le pays en janvier. C'est en effet un discours très différent de celui qu'entendent depuis des années les victimes de pédophilie au Chili, violées ou agressées sexuellement par des prêtres catholiques.

Pour bien comprendre, il faut revenir un peu en arrière : en 2010, plusieurs victimes d'un prêtre d'un quartier riche de Santiago dénoncent publiquement les agressions sexuelles commises par cet homme. L'affaire fait scandale car l'Église est encore une institution très respectée à l'époque au Chili, et surtout parce que les victimes affirment avoir d'abord informé l'Eglise, sans qu'aucune sanction ne soit prise. Selon elles, la haute hiérarchie catholique a même couvert ce prêtre, Fernando Karadima, au lieu de prendre des mesures pour éviter que ces violences sexuelles ne se reproduisent.

« Des calomnies » selon le pape

Après le scandale, le prêtre Karadima a finalement été jugé par l'Église, et envoyé dans un foyer pour religieux. Mais quelques années plus tard, l'un de ses proches, Juan Barros, est nommé évêque dans le sud du Chili. Les victimes de pédophilie l'accusent d'avoir dissimulé des preuves qui accusaient le prêtre Karadima. Le clergé dément. Cet évêque sera présent aux côtés du pape François pendant toute sa visite au Chili, en janvier dernier. Interrogé sur ce sujet, le souverain pontife affirme alors qu'il n'existe « aucune preuve » contre Juan Barros, seulement des « calomnies ».

Cette phrase du pape François a été très mal reçue au Chili, car depuis que le scandale de pédophilie du prêtre Karadima a éclaté, l'Église fait face à une profonde crise de confiance dans le pays, et le nombre de chiliens qui se déclarent catholiques a énormément baissé. Face à l'indignation des victimes et de nombreux Chiliens, y compris des catholiques, le pape a donc finalement envoyé un émissaire spécial pour recueillir les témoignages de victimes de pédophilie dans l'Église chilienne, et par la même occasion collecter des informations sur les responsabilités de l'évêque, Juan Barros. C'est après avoir reçu le compte-rendu de son émissaire spécial que le pape a finalement changé de discours et invité des victimes au Vatican.

Oui à l’invitation, mais…

Face à ce revirement de la part du pape et de l'Eglise chilienne, les victimes ont le sentiment d'avoir gagné une bataille, car l'Eglise reconnaît enfin ce qu'elles (les victimes) répètent depuis des années. Elles ont d'ailleurs accepté l'invitation du pape. Mais d'un autre côté, elles rappellent qu'elles avaient déjà envoyé une lettre à Francois, une lettre qui n'a jamais eu de conséquences et elles avertissent que l'évêque Juan Barros ne doit pas être le coupable désigné pour servir une opération de communication de l'Eglise.


Pour les victimes, l'institution doit sanctionner les coupables et les complices, et changer profondément son mode de fonctionnement, pour éviter que des agressions sexuelles ne se reproduisent. Ce n'est pas encore le cas aujourd'hui, et elles ne se priveront pas de le dire au pape François à partir de jeudi au Vatican.