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lundi 5 mars 2018

« UNE FEMME FANTASTIQUE » OFFRE AU CHILI LE 2ÈME OSCAR DE SON HISTOIRE




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 « UNE FEMME FANTASTIQUE » OFFRE AU CHILI
LE 2ÈME OSCAR DE SON HISTOIRE
PHOTO ANGELA WEISS
Une amoureuse, née dans un corps d'homme, devant se battre après le décès de son compagnon: avec ce portrait bouleversant dans « Une femme fantastique », le Chilien Sebastian Lelio offre à son pays le deuxième Oscar de son histoire, celui du meilleur film étranger. Fait rare, cette battante est incarnée par une actrice transgenre, l'inoubliable Daniela Vega, 28 ans.

SEBASTIAN LELIO AUX CÔTÉS DE
L'ACTRICE DANIELA VEGA, À BERLIN.
PHOTO MICHELE TANTUSSI 
« J'ai joué des personnages transgenres car nous sommes en train d'expérimenter ce changement », pour autant, le film n'est pas « un plaidoyer mais une histoire d'amour entre deux personnes que la vie sépare », insistait l'actrice lors de la présentation du film à Berlin, où il a fait sensation et remporté le prix du meilleur scénario.

Une vision partagée par le réalisateur, Sebastian Lelio, 43 ans, qui fait partie de la nouvelle vague de cinéastes chiliens avec Pablo Larrain ("Jackie"), coproducteur du film.

« Le cinéma devrait plutôt poser les questions que d'apporter les réponses, donc il s'agit surtout d'apporter un éclairage », soulignait celui qui a acquis une renommée internationale avec un autre portrait de femme, "Gloria » (2013).

Suivant cette logique, il aurait été aberrant pour lui d'avoir recours à une actrice non transgenre, "comme lorsqu'on ne pouvait pas filmer de Noirs et que les acteurs blancs se noircissaient le visage", ce qu'on appelle le "blackface".

S'apparentant à un mélodrame, « Une femme fantastique" ("Una mujer fantástica" en espagnol) parle d'identité sexuelle avec une grande pudeur et sans jouer sur l'ambiguïté sexuelle de ses personnages.

Dans le film, Marina aime Orlando, plus âgé qu'elle.

Quand celui-ci décède brutalement, elle devient la cible de brimades et d'humiliations car, née dans un corps d'homme, elle dérange. Du jour au lendemain, la jeune serveuse est sommée de quitter leur appartement, la famille lui interdit l'accès aux funérailles et une enquête est ouverte pour examiner la « teneur »  de leur relation.

Renouveau du ciné chilien

L'air déterminé, parfois enragée, Marina va prendre son courage à deux mains pour continuer à vivre, loin de ceux qui voient en elle un monstre et veulent salir son histoire d'amour.

« Marina et moi, nous partageons plusieurs choses: nous sommes trans, nous aimons chanter de l'opéra et nous aimons les hommes beaux, rien de plus » , confie Daniela Vega.

« Personnellement, j'ai eu très peu de problèmes de ce genre, ce n'est pas ce que j'ai vécu. Moi j'ai connu l'amour de ma famille, de mon compagnon et j'ai été entourée de beaucoup de tendresse », assure l'actrice, passée par le théâtre et également chanteuse.

Le film se déroule au Chili, pays qui tente encore de se libérer du conservatisme hérité des années de dictature (1973-1990) et de la domination de l'Eglise catholique.

La société chilienne est en pleine transformation, sous l'impulsion de la présidente socialiste sortante Michelle Bachelet, après la récente légalisation de l'avortement thérapeutique et l'adoption de l'union civile de personnes du même sexe.

Dans ce cadre, « Une femme fantastique » est « un défi qui a à voir avec le fait d'explorer les limites de notre empathie comme spectateurs et comme êtres humains, de comprendre ce que nous sommes disposés à autoriser ou non », expliquait Sebastian Lelio lors de la présentation du film à Berlin.

Et ce long-métrage, couronné en Espagne du Goya du meilleur film ibéro-américain, est aussi l'emblème du renouveau du ciné chilien, condamné à 20 ans de silence sous la dictature et qui retrouve depuis quelques années la prestance qu'il avait connue avec des réalisateurs comme Raul Ruiz.

« Il faut le voir comme une génération entière qui est en train de triompher et qui place le drapeau du Chili aux quatre coins du monde », souligne Pablo Larrain.

Ce dernier, nommé aux Oscars en 2013 pour son film « No », et son frère Juan de Dios Larrain, qui dirige avec lui la société de production Fabula, sont ainsi considérés comme les « Almodovar chilien ».

Avant « Une femme fantastique », le Chili avait remporté sa première statuette en 2016, avec «Historia de un oso » (Histoire d'un ours) de Gabriel Osorio, Oscar du meilleur court-métrage d'animation.

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