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jeudi 11 janvier 2018

L'ADN D'UN NOURRISSON PRÉHISTORIQUE RÉVÈLE COMMENT L'AMÉRIQUE A ÉTÉ PEUPLÉE


Le séquençage du génome d'une petite fille de 11.500 ans révèle l'existence d'une population ancienne auparavant inconnue en Amérique. Elle confirme l'hypothèse longuement débattue que le continent a été peuplé via le détroit de Béring, entre la Sibérie et l'Alaska.
LA DÉCOUVERTE D'UN FŒTUS ET D'UN 
NOURRISSON PRÉHISTORIQUES SUR LE SITE 
ARCHÉOLOGIQUE D’UPWARD SUN RIVER 
(OUEST DE L’ALASKA) DATE DE 2013
PHOTO BEN POTTER


C'est une ancienne énigme de l'histoire d'Homo sapiens que semble avoir résolu une équipe de l'université de l'Alaska de Fairbanks. En analysant l'ADN d'un nourrisson de -11.500 ans, les chercheurs ont apporté la confirmation que le peuplement de l'Amérique s'est bien fait au moins il y a -20.000 ans par le détroit de Bering. Leur étude, publiée le 4 janvier 2018 sur le site de Nature, révèle aussi l'existence d'une population amérindienne jusqu'alors inconnue, qu'ils ont baptisée les Anciens Béringiens (AB).

L’ADN du nourrisson préhistorique a parlé

MIGRATION DES HOMO SAPIENS DE
L'ASIE DE L'EST VERS L'AMÉRIQUE
CRÉDITS : HANNIBAL W. / SCIENCES ET AVENIR
Retour sur cette belle aventure : En 2013, un fœtus et un nourrisson préhistoriques sont découverts sur le site archéologique d’Upward Sun River, à l’ouest de l’Alaska, aux États-Unis. Les populations locales les nomment respectivement " petite fille des lueurs de l’aube " et " petite fille du lever du soleil ". Elles ont été recouvertes d’ocre rouge et inhumées dans une fosse circulaire, à côté de plusieurs armes de chasse primitives. D’après la datation au carbone 14, les ossements datent de -11.500 ans. Au grand bonheur des chercheurs, l’ADN du nourrisson de six semaines a perduré dans le temps et reste donc exploitable. Selon Ben Potter, de l’équipe qui a procédé aux analyses du génome, " la fenêtre sur le passé que ces enfants fournissent est inestimable ".

À la surprise de tous, le bébé étudié n’appartient pas aux groupes des Américains natifs, dits du "Sud" et du "Nord", jusque-là considérés comme les seules branches d’Homo sapiens présentes sur le continent. USR1, l’autre nom du nourrisson utilisé par les scientifiques, représente une nouvelle population distincte baptisée "Anciens Béringiens ". En utilisant la modélisation démographique, les chercheurs ont déduit que les Anciens Béringiens et les ancêtres des autres Américains natifs descendent d’une seule et même population, qui s’est détachée de l’Asie de l’Est il y a 36.000 ans. Ils se sont séparés entièrement il y a  -22.000 à -18.000 ans. A son tour, le groupe des Américains natifs s’est scindé de nouveau en deux lignées (Nord et Sud) il y a 15.000 ans environ. Cependant, si l’on connaît les dates auxquelles ont eu lieu ces séparations, l’équipe hésite encore sur les zones où elles ont eu lieu.

SITE ARCHÉOLOGIQUE D’UPWARD SUN RIVER 
(OUEST DE L’ALASKA) DATE DE 2013
PHOTO BEN POTTER
Avec cette étude, les scientifiques estiment tenir la preuve que les Homo Sapiens ont emprunté le couloir de terre qu’offrait la "Béringie" pour atteindre le sol américain. La Béringie était, des dizaines de milliers d’années avant notre ère, une zone située entre la Sibérie et l'Alaska. Depuis, le niveau de l'eau a monté et recouvre ce que l'on appelle aujourd'hui le détroit de Béring.

Un couloir praticable

Selon les théories les plus communément admises, les humains seraient parvenus jusqu’au continent américain en empruntant cette voie autrefois dégagée, au gré des migrations. Toutefois, certains archéologues et anthropologues réfutent cette hypothèse. Pour eux le couloir n’était pas praticable -20.000 ans plus tôt à cause d’énormes blocs de glaces qui empêchaient l’accès au continent.

En 2016, une équipe suggère une autre voie, celle du pacifique. En longeant les côtes, aux alentours de -13.000, les premiers hommes pouvaient se nourrir aisément en exploitant les ressources maritimes. 

Même si l’étude de la fillette a apporté des informations cruciales, le mystère autour de la disparition des Anciens Béringiens reste irrésolu. La population n’a aucun descendant direct. Les Athabascans, qui vivent actuellement à l’Upward Sun River, sont plutôt des descendants d’Américains natifs du Nord. Les deux enfants sont morts en été, la saison où les ressources sont supposées être abondantes, ce qui suggère un mode de vie risqué et délicat. La lignée des Béringiens s’est donc probablement éteinte et ce n’est que plus tard que les Américains natifs sont remontés vers le Nord pour y faire souche. 



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