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jeudi 13 octobre 2016

PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE 2016 : LA SURPRISE BOB DYLAN


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PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE 2016
Le prix Nobel de littérature a été attribué au chanteur américain Bob Dylan, pour « avoir créé des nouvelles expressions poétiques dans la grande tradition de la chanson américaine ».
POCHOIR BOB DYLAN   
Le parterre de journalistes réunis dans le salon de l'Académie suédoise ne l'avait pas vu venir : ce jeudi 13 octobre à 13h, la secrétaire perpétuelle de l'institution scandinave Sara Danius a annoncé l'attribution du prix Nobel de littérature 2016 au musicien américain Bob Dylan.


« Les chansons ne sont pas apparues par magie, je ne les ai pas fabriquées à partir de rien. J’ai appris à écrire des paroles en écoutant des chansons folk. Et je les ai jouées (…), je n’ai rien chanté d’autre que des folk songs, et elles m’ont ouvert le code pour tout ce qui est de bonne chasse, tout ce qui appartient à tout le monde. » Bob Dylan à l’occasion d’une cérémonie de remise de trophées, organisée en 2015 

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« BLOWING IN THE WIND »,    EN DIRECT À LA TÉLÉVISION, MARS 1963  
ROBERT ALLEN ZIMMERMAN DIT BOB DYLAN, 
LICENCE YOUTUBE STANDARD 
DURÉE : 0:02:35 



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LA « BEAT GENERATION »
ALLEN GINSBERG, PETER ORLOVSKY, BARBARA RUBIN, BOB DYLAN, 
AND DANIEL KRAMER BACKSTAGE AT MCCARTER THEATER, 
IN PRINCETON, NEW JERSEY, SEPTEMBER, 1964. 
PHOTO DANIEL KRAMER. 

L’Académie suédoise a choisi de récompenser le musicien et poète américain « pour avoir créé […] de nouveaux modes d’expression poétique ». 
Le prix Nobel de littérature 2016 est décerné à Bob Dylan, 75 ans, « pour avoir créé dans le cadre de la grande tradition de la musique américaine de nouveaux modes d’expression poétique », a annoncé la secrétaire générale de l’Académie suédoise, Sara Danius. L’Américain, premier musicien à être récompensé par l’académie depuis la création du prix en 1901, succède à la Biélorusse Svetlana Alexievitch.

« Bob Dylan écrit une poésie pour l’oreille », a expliqué Mme Danius à la télévision publique SVT, affirmant que les membres de l’académie avaient manifesté « une grande cohésion » dans ce choix. « Il s’inscrit dans une longue tradition qui remonte à William Blake », le célèbre poète anglais mort en 1827, a-t-elle affirmé, citant Visions of Johanna et Chimes of Freedom.

« Il est extrêmement doué pour la rime. C’est un sampleur littéraire qui convoque la grande tradition et peut marier de façon absolument novatrice des musiques de genres différents, des textes de genres différents. »


Une histoire de l’Amérique à lui seul

ILLUSTRATIONS MATTEO GUARNACCIA 
Dylan est une histoire de l’Amérique à lui seul, synthétisant dans son œuvre la poésie surréaliste de la beat generation, l’austérité militante du folk, la complainte du blues, l’énergie révoltée du rock et la chronique de la vie quotidienne propre à la country.

Présentée par l’Académie suédoise comme une « icône », la légende du folk a sorti son 37e album, Fallen Angels, en mars. A l’occasion d’une cérémonie de remise de trophées, organisée en 2015, l’auteur-compositeur était revenu sur son parcours :

« Les chansons ne sont pas apparues par magie, je ne les ai pas fabriquées à partir de rien. J’ai appris à écrire des paroles en écoutant des chansons folk. Et je les ai jouées (…), je n’ai rien chanté d’autre que des folk songs, et elles m’ont ouvert le code pour tout ce qui est de bonne chasse, tout ce qui appartient à tout le monde. »

À cette occasion, il avait aussi défendu sa voix : « Mes critiques disent que je mutile mes mélodies, que je rends mes chansons méconnaissables. Vraiment ? (…) Sam Cooke [chanteur de rhythm’n’blues à la voix d’ange] a répondu ceci quand on lui a dit qu’il avait une belle voix : “c’est très gentil à vous, mais les voix ne doivent pas être jugées en fonction de leur joliesse. Elles ne comptent que si elles vous convainquent qu’elles disent la vérité”. »

Des textes politiques

ILLUSTRATIONS MATTEO GUARNACCIA 
Depuis des années, le nom de Bob Dylan revenait souvent mais peu d’experts s’attendaient à ce que l’académie franchisse le pas de récompenser un chanteur aussi populaire que lui. Né le 24 mai 1941, à Duluth, dans le Minnesota, l’artiste a grandi dans une famille juive de la classe moyenne. Dans sa jeunesse, comme la plupart des adolescents américains, Bob Dylan tombe sous le charme du rock avec Elvis Presley et Jerry Lee Lewis avant de former son propre groupe.

En 1959, étudiant à l’université de Minneapolis, il découvre les pionniers du blues, du country et du folk : Robert Johnson, Hank Williams et Woody Guthrie. En 1961, il abandonne ses études et déménage à New York pour fréquenter la scène musicale embryonnaire de Greenwich Village. C’est à cette époque que Robert Allen Zimmerman adopte comme nom de scène Bob Dylan, qui sera aussi le titre de son premier album. Sorti en 1962, celui-ci est un fiasco.

La percée se produit un an plus tard avec l’album The Freewheelin’Bob Dylan et ses deux titres folk de protestation : Blowin’ in the Wind, chanson pacifiste qui sera un hymne des années 1960 contre la guerre au Vietnam, et A Hard Rain’s A-Gonna Fall. En 1963, il participe à la marche sur Washington autour de Martin Luther King.

À partir de la fin des années 1960, il se détache de plus en plus des fans de folk et des milieux de gauche, refusant d’être l’étendard des contestations et des luttes de l’époque. Depuis les années 80, son extraordinaire créativité s’est tarie, mais il parcourt la route sans relâche, sans toujours convaincre. A l’été 2012, il s’est produit au festival des Vieilles Charrues, en France, où sa prestation a déçu. 

« Un pouvoir poétique extraordinaire »

ILLUSTRATIONS MATTEO GUARNACCIA 
Décidément habitué à être là où ne l’attend pas, il a aussi reçu en 2008 le prix Pulitzer, qui récompense traditionnellement des travaux journalistiques. Il avait été distingué, selon les mots du jury, « pour son profond impact sur la musique populaire et la culture américaine, à travers des compositions lyriques au pouvoir poétique extraordinaire ».

Bien qu’il n’ait signé qu’un petit nombre de grands albums après l’apothéose créative des années 1965-1975, il reste, au même titre que le tandem Lennon-McCartney, l’un des chanteurs-auteurs-compositeurs les plus influents de l’histoire de la musique, maintes fois recopié, jamais égalé.
C’est le premier Américain à obtenir le prix Nobel de littérature depuis Toni Morrison, en 1992. Le prix Nobel s’accompagne d’une récompense de huit millions de couronnes suédoises (822 000 euros).