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mardi 9 février 2016

« EL CLAN », ENLÈVEMENTS EN FAMILLE À BUENOS AIRES


Le père Arquimedes, comptable, est le stratège. Il planifie les enlèvements contre rançon, ciblant deux connaissances de son fils et deux chefs d'entreprise. Le fils aîné Alejandro, rugbyman jouant pour l'équipe nationale d'Argentine, participe aux forfaits, son frère cadet Daniel collabore aussi.

La mère Epifania affiche une attitude passive et complice, allant jusqu'à rappeler à l'ordre Alejandro, quand il manifeste le désir de rompre avec la vie criminelle. Deux amis du père complètent l'organisation.

Le huitième long-métrage du réalisateur Pablo Trapero, 44 ans, qui a débuté sa carrière en 1999 avec « Mundo Grua », est coproduit par la maison de production espagnole El Deseo, des frères Agustin et Pedro Almodovar.

« El Clan » a été récompensé par le Lion d'argent du meilleur réalisateur à la dernière Mostra de Venise. Véritable succès en Argentine, où il est sorti en août, le film y a attiré quelque 2,5 millions de spectateurs.

Habitué de la sélection Un Certain Regard du festival de Cannes, où trois de ses films ont été sélectionnés - « El Bonaerense »  en 2002, « Carancho »  en 2010 et « Elefante Blanco »  en 2012 -, Pablo Trapero avait une douzaine d'années au moment des faits relatés.

« J'ai entendu parler de l'affaire Puccio quand j'avais 13 ou 14 ans, quand ils les ont arrêtés le 23 août 1985 (...) Le film raconte l'intimité de cette famille, et on découvre son activité criminelle, cette pratique horrible, et le contexte historique du pays », indiquait le cinéaste à l'AFP à Buenos Aires en septembre.

« Les années passant, et à mesure qu'on découvrait des choses sur l'affaire - très opaque au début -, j'avais l'intuition que ce serait un excellent point de départ pour un scénario », explique-t-il.

- « Cruauté inédite »  -

Pablo Trapero a dû mener un travail de documentation de longue haleine pour réaliser ce film, se replongeant dans les journaux de l'époque, menant une enquête de voisinage, interrogeant des amis d'Alejandro, les juges de l'enquête ou les familles de victime, étudiant les rapports de police ou les minutes du procès.

« En fait, ce fut un processus assez bouleversant pour moi », du fait de « la brutalité des faits décrits et leur caractère surréaliste, presque +irréel+ », indique-t-il dans le dossier de presse du film.

Les personnages sont d'abord attachants, notamment le jeune rugbyman. On imagine des motivations politiques derrière les enlèvements. Mais non, l'appât du gain est le fil conducteur, sans pour autant que l'enrichissement personnel apparaisse à l'écran.

La caméra réaliste dévoile entre le père et le fils, brillant sportif, « une relation froide, et une cruauté inédites; et ce fils qui vit sous l'emprise de son père alors qu'il est en mesure de s'enfuir », fait remarquer le réalisateur.

Avant les enlèvements, Arquimedes Puccio avait mouillé dans la contrebande d'armes et avait des liens avec les services de renseignement. Il sera condamné à la prison à perpétuité et mourra à l'âge de 83 ans après avoir toujours nié les faits.

Alejandro Puccio, malgré quatre tentatives de suicide, passera plus de vingt ans en prison avant de mourir peu après sa libération en 2008.

Pour Pablo Trapero, « le film peut être vu aussi comme la radiographie d'une société terriblement inhumaine et atroce ».

« Beaucoup d'autres +Puccio+ sont aujourd'hui en liberté. Pour eux, la protection existe toujours », estime-t-il.

Afp