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mercredi 28 octobre 2015

HISTOIRE DU CHILI, POÉTIQUE DE L’EAU ET DU COSMOS



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  FRANCE CULTURE, « LA REVUE DES IMAGES D'HÉLÈNE DELYE  »,  PAR HÉLÈNE DELYE ÉMISSION DU MARDI 27 OCTOBRE 201 - 08:48 22  DURÉE : 00:03:59
      Le nouveau documentaire de Patricio Guzmán Le Bouton de nacre sort demain au cinéma. Réalisé 5 ans après Nostalgie de la lumière avec lequel il forme un diptyque, le film mêle une réflexion sur le cosmos et l’eau avec l’histoire des peuples indigènes de Patagonie et celle des victimes de la dictature du général Pinochet.

      Tourné en Patagonie, à l’extrême sud du Chili, Le Bouton de nacre forme avec le précédent film de Patricio Guzmán Nostalgie de la lumière sorti en 2010 un diptyque cosmique, éblouissant par sa beauté et par la poétique de sa narration, tout en explorant l’histoire du Chili, celle des peuples amérindiens disséminés par les colons au XIXème siècle, et celle des opposants à la dictature de Pinochet torturés et éliminés pendant les années de plomb.

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      Deux boutons de nacre au fond de l’océan Pacifique.

      Ce sont deux boutons de nacre qui font le lien entre ces deux périodes de l’histoire chilienne qu’explore le cinéaste. Deux boutons retrouvés au fond de l’océan Pacifique, l’un datant du XIXème siècle et appartenant à un Amérindien de Patagonie, l’autre à un prisonnier du régime Pinochet jeté à la mer.
      Et c’est cette mer, cette eau qui est à la fois le fil conducteur de la narration du film, l’élément central de son esthétique, et aussi celui qui permet à Patricio Guzmán de développer ici, comme il l’avait fait dans Nostalgie de la lumière, une philosophie du cosmos rappelant celle de Gaston Bachelard.

      De cet enchevêtrement complexe entre deux épisodes de l’histoire chilienne et une réflexion sur l’eau comme pont entre le cosmos et nous, le réalisateur aujourd’hui âgé de 75 ans parvient à tirer un film à la fois contemplatif et politique.

      Contemplatif, il l’est surtout dans sa première partie, où Patricio Guzmán filme au plus près les glaciers de Patagonie qui plongent dans l’océan Pacifique, et reproduit en images les voyages d’île en île que faisaient les Amérindiens qui vivaient et se déplaçaient à travers les fjords. Pour ce « peuple de l’eau » comme dit le cinéaste, la mer était un élément d’identité. Ce jusqu’à l’arrivée des colons et des missionnaires, qui les ont contraints à se couper de leur identité quand ils ne les ont pas exterminés.
      Un film contemplatif et politique


      La dimension politique du Bouton de nacre est omniprésente, même lorsque Patricio Guzmán s’intéresse au cosmos. Mais c’est vrai que dans la seconde partie du film, lorsque le réalisateur s’intéresse à la manière dont les officiers de la dictature de Pinochet jetaient les corps des prisonniers à la mer en les attachant à des morceaux de rails pour les maintenir au fond de l’eau et les faire disparaître, le documentaire se recentre sur une période plus récente de l’histoire politique du Chili, celle-là même qui obsède et qu’explore le cinéaste depuis ses premiers films.

      Dans La Nostalgie de la lumière, Patricio Guzmán raconte comment les cadavres des déportés politiques ont été enfouis dans le sable pendant la dictature. Aujourd’hui, dans Le Bouton de nacre il fait ressurgir la mémoire d’autres de ces opposants politiques dont les corps ont été enfouis dans la mer. Et il fait ressurgir, aussi, la pensée de Gaston Bachelard qui, dans L’Eau et les rêves (1942) écrit que « la peine de l’eau est infinie ».