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vendredi 31 janvier 2014

ARRESTATION DE MARIE EMMANUELLE VERHOEVEN À HAMBOURG

Lors de son passage au Nicaragua en 1984, où elle était représentante d'une ONG française soutenant les mouvements de libération d'Amérique latine, Marie Verhoeven aurait fait la connaissance de plusieurs combattants chiliens et se serait liée d'amitié avec les hommes qui ont constitué plus tard l'hiérarchie du FPMR, scindé du Pc en 1987. Arrivée au Chili en 1985, Mme Verhoeven se serait mis en couple avec un officier du FPMR, et c’est dans sa maison de la rue Brasil, à Santiago, que se réunissait la direction nationale du Front en 1986 et 87.

Selon la police d’investigations chilienne, PDI, sous le nom de guerre de « commandante Ana », Marie Verhoeven faisait partie de la direction nationale du FPMR quand Jaime Guzmán a été assassiné, le 1er avril 1991. Elle était alors le numéro 6 dans l’organigramme du FPMR, chargée d'intelligence et ensuite porte-parole. D’après l’enquête, elle aurait aidé les auteurs de l'attentat dans leur fuite.

Et pourtant, les anciens militants de l’appareil armé ne reconnaissent pas Marie Verhoeven comme une des siens, démentent qu’elle ait eu des responsabilités et l’identifient tout au plus comme une sympathisante qui aurait approché quelques dirigeants par ses contacts personnels avec l’un d’eux. Elle aurait alors eu accès à des renseignements sensibles qu’elle aurait pu transmettre aux autorités de l’époque. 

Le rôle précis de Mme Verhoeven demeure très ambigu, car des officiers de la PDI en charge de l’enquête ont déclaré qu’elle aurait été depuis début des années 90 une informatrice des services d'intelligence de la naissante démocratie. Certains proches du dossier ont laissé entendre qu’elle aurait été exfiltrée avec l’aide des policiers chiliens. Marie Verhoeven avait quitté le Chili en 1995 et elle est réapparue en 2010 à Nantes, ville du nord de la France. 

Le ministère public d’Hambourg est maintenant dans l’attente de la demande formelle d’extradition du Chili de l’hypothétique ancienne combattante.

Complice objective du sanglant putsch de 1973 et à la fois héritière de la longue dictature, la droite politique chilienne, pour laquelle le sénateur assassiné est une sorte de martyr, met un point d’honneur à la capture des coupables du meurtre et en a fait un objectif politique. Elle cherche aussi à démontrer l’amateurisme et les erreurs de son adversaire politique —la Concertation, la coalition du centre-gauche—, dans la gestion de la sécurité publique et la neutralisation des ex-combattants. Elle s’attend même à prouver des accointances coupables entre les responsables de la Concertation en poste à l’époque et les anciens militants des groupes armés qu’ils devaient désarticuler.

Plusieurs responsables de l’UDI, le parti de Guzmán, sont aujourd’hui, et encore pour quelques semaines, ministres ou occupent des postes de responsabilité à l’exécutif. Andrés Chadwick Piñera, ministre de l'intérieur —qui est au Chili le premier ministre—, cousin du président, ancien collaborateur de Pinochet, avocat, dirigeant du parti UDI et disciple de Jaime Guzmán, est par ailleurs associé et copropriétaire du cabinet d’avocats chargé des intérêts de la famille du sénateur Jaime Guzmán, partie civile du dossier.

Cette configuration singulière suffirait peut-être dans d’autres latitudes à constituer un flagrant conflit d’intérêts, et le seul fait qu’un membre du gouvernement prenne partie d’un dossier concernant son cabinet d’avocats soulèverait sûrement des questions sur de l’indépendance et l’impartialité de la justice.

La procédure judiciaire et administrative qui vient d’être entamée entre Santiago et Hambourg suit maintenant son cours, et elle va sans doute durer plusieurs semaines.