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vendredi 2 novembre 2012

AU CHILI, LE TRIOMPHE DES FEMMES

CAROLINA TOHÁ, A FÊTÉ SA MAJORITÉ ABSOLUE UN DRAPEAU CHILIEN À LA MAIN. ELLE DÉDIE LE TRIOMPHE À SON PÈRE JOSÉ TOHÁ, QUI FUT ASSASSINÉ SOUS LA DICTATURE DE PINOCHET. PHOTO CRISTIÁN SOTO Q.

Nombre de ces femmes ont en commun une nouvelle vision de la politique et beaucoup d’entre elles se sont imposées face aux volontés de leurs partis : elles se sont battues avec quasiment aucun soutien, elles ont mené des campagnes épiques, elles ont été ignorées par leurs adversaires ainsi que par leur propre camp.
Il est toujours bon de se remettre l’histoire en mémoire. Josefa Errázuriz [sociologue et militante locale] s'est imposée lors des élections primaires organisées à Providencia face à deux poids lourds de l'opposition de gauche: le libéral Cristóbal Bellolio et le socialiste Javier Insulza. Contre toute attente, celle qu'on surnomme la “maîtresse de maison”, indépendante, a gagné. Et elle a ensuite largement battu Cristian Labbé, le colonel pro-Pinochet [en place depuis 1996], avec plus de 12 % d’avance.

L'une d'entre elles a fêté sa majorité absolue un drapeau chilien à la main

Carolina Tohá, de son côté, s’est embarquée dans une mission titanesque. Il lui fallait sortir victorieuse à Santiago, la capitale, où Pablo Zalaquett , le maire en exercice [de l'Union Démocrate Indépendante, UDI, droite] était considéré comme une machine électorale, capable d’être à six heures du matin dans le métro pour distribuer des tracts et faire la cour aux électrices. Comme lors de n’importe quelle élection municipale, Santiago est le fief le plus convoité et aucun gouvernement ne reste impassible face à cette campagne. Laurence Golborne, le ministre le plus populaire du gouvernement, avait publiquement et totalement appuyé la candidature de Zalaquett. [L'ancienne porte-parole de l'ex-présidente socialiste Michelle Bachelet] Carolina Tohá n’a pas vraiment été soutenue par son parti [le Parti Populaire pour la Démocratie, PPD, centre-gauche], peut-être parce qu’il n’y croyait pas, peut-être parce qu’il voulait la punir de ses divergences internes avec certains secteurs du PPD. En fin de journée, sur la place d’Armes de Santiago, face au balcon de la mairie, elle a fêté sa majorité absolue un drapeau chilien à la main.

C’est à une inconnue, finalement, qu'on doit la plus grande surprise : Maya Fernández. Même dans ses rêves, l’opposition n'imaginait pas pouvoir à battre le maire de Ñuñoa, Pedro Sabat, à son poste depuis 1996 grâce à d'excellents résultats dans les urnes. Les heures passant, le décompte est devenu de plus en plus spectaculaire, jusqu’à ce que la nouvelle mairesse l’emporte avec 92 votes d’avance. Cette commune était sans aucun doute favorable au gouvernement en place et c’est justement pour cette raison que Maya Fernández a pu gagner. S’il y avait eu le moindre espoir de remporter cette ville, il est peu probable que le PS aurait investi une telle inconnue. S’il s’agit de la petite-fille de l’ancien président Salvador Allende, conseillère municipale de Ñuñoa, Maya Fernández  n’était jusqu’au matin du dimanche 28 octobre qu’une militante de plus à qui personne ne prêtait attention au sein de l’opposition. Désormais, avec 32 400 votes dans une commune historique, son avenir politique a changé du tout au tout.

Pas des mairies faciles à conquérir

Aucune de ces trois femmes ne s'est vue parachuter dans des municipalités faciles, pratique courante au cours des dernières années entre les candidats de premier plan. Elles ont triomphé grâce au travail sur le terrain et avec une campagne prônant la participation active des citoyens.
Après les mobilisations sociales et le résultat du scrutin de dimanche, il semble évident que la participation des citoyens est désormais un facteur essentiel. Toutefois, rappelons-nous que lorsque l’ancienne présidente Michelle Bachelet avait proposé un gouvernement citoyen, l’élite politique l’a laissée jouer avec cette idée pendant la campagne présidentielle pour finalement l’abandonner dès qu’elle est entrée en fonction. Le “gouvernement citoyen” est l’une des diverses raisons qui ont entraîné les moqueries et plaisanteries que la présidente a dû affronter. 
Carolina Tohá, Josefa Errázuriz, Maya Fernández et plusieurs autres femmes devenues maires ont suffisamment de charisme, d’indépendance et de pouvoir pour hausser le ton lorsqu’elles veulent se battre sur tel ou tel sujet. Il faut s’attendre à ce que cette fois-ci, l’élite politique ne se moque pas et les prenne au sérieux. Ce n’est pas en vain qu’elles ont remporté les postes les plus prestigieux qui étaient détenus par la droite.