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lundi 16 juillet 2012

LA RAFLE DU VÉL’ D’HIV, OU LE «SOMBRE JEUDI» 16 JUILLET 1942

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« C'ÉTAIENT DES ENFANTS »  : UNE POIGNANTE EXPOSITION SUR LA DÉPORTATION ET LE SAUVETAGE DES ENFANTS JUIFS À PARIS, RICHE DE TÉMOIGNAGES ET DE DOCUMENTS INÉDITS, À L'HÔTEL DE VILLE, DU 26 JUIN JUSQU'AU 27 OCTOBRE 2012, GRATUITE, ORGANISÉE À L'OCCASION DU 70E ANNIVERSAIRE DE LA RAFLE DU VEL D'HIV, CETTE EXPOSITION EST LE FRUIT D'UN TRAVAIL D'UNE QUINZAINE D'ANNÉES MENÉ PAR LA COLLECTIVITÉ PARISIENNE ET D'UNE RÉCOLTE MINUTIEUSE D'INFORMATIONS DANS LES ÉCOLES, COLLÈGES ET LYCÉES NOTAMMENT. PHOTO ARCHIVES CDJC-MÉMORIAL DE LA SHOAH
Le danger est grand ! (…) La question qui se pose pour chaque juif est : que faire pour ne pas tomber dans les mains des bandits SS ? Que faire pour hâter leur fin et ma libération ? (…)

1. Ne pas attendre à la maison les bandits. Prendre toutes les mesures pour se cacher et pour cacher en premier lieu les enfants avec l’aide de la population française sympathisante.

2. Après avoir garanti sa propre liberté, adhérer à une organisation de combat patriotique pour battre l’ennemi sanguinaire et venger ses crimes.

3. Si l’on tombe entre les mains des bandits, résister par tous les moyens, barricader les portes, appeler à l’aide. On n’a rien à perdre. On peut juste y gagner la vie. Chercher sans cesse à fuir. (…) Chaque juif libre et vivant est une victoire sur notre ennemi. »

Cet appel, en yiddish, fut très largement diffusé dès le 6 juin 1942, six semaines avant la rafle du Vél’ d’Hiv, par Solidarité, organisation clandestine du secteur juif de la MOI. (1)

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ARRIVÉE D'INTERNÉS ARRÊTÉS LORS DE LA RAFLE DU VEL' D'HIV' DES 16 ET 17 JUILLET 1942, AU CAMP DE DRANCY. CRÉDITS PHOTO  PRÉFECTURE DE POLICE

« Vent printanier », nom de code de la rafle barbare, organisée par René Bousquet (2), prévoyait l’arrestation de 27 391 juifs étrangers, hommes, femmes et enfants, même si ces derniers étaient de nationalité française. En fait, 12 884 personnes furent raflées et rassemblées au Vél’ d’Hiv dans des conditions inhumaines. Nombre de juifs ne sachant ni où aller ni où se cacher n’avaient pu suivre les appels de la résistance juive.

Les brutalités abominables exercées sur les vieillards, sur les femmes et sur les enfants, arrachés à leurs parents, avaient profondément choqué la population parisienne, qui manifesta sa solidarité active lorsqu’il fallut cacher les enfants. Pour ceux que la police française avait arrêtés, après le Vél’ d’Hiv ce furent les chambres à gaz et les fours crématoires.

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LE PROCESSUS DE PERSÉCUTION DES JUIFS A COMMENCÉ PAR LEUR RECENSEMENT ET LEUR EXCLUSION -ÉCONOMIQUE ET PROFESSIONNELLE- DANS UN PREMIER TEMPS (LES EMPLOIS DANS LA FONCTION PUBLIQUE LEUR SONT INTERDITS, AINSI QUE LES PROFESSIONS ASSERMENTÉES) ET DE TOUS LES LIEUX PUBLICS DE ZONE OCCUPÉE.  PHOTO © LAPI / ROGER-VIOLLET 
Dès l’armistice de juin 1940, plusieurs textes dirigés contre les Français de « fraîche date» visent implicitement les juifs. Le 22 juillet 1940, une loi remet en question toutes les naturalisations accordées depuis 1927. Le 4 octobre 1940, une autre autorise l’internement dans des camps spéciaux des « ressortissants étrangers de race juive ». Le premier et le second «statut des juifs », le port de l’étoile jaune obligatoire pour tout juif ayant atteint l’âge de six ans, puis plusieurs dizaines de lois et décrets avaient officialisé l’idée que les juifs étaient des êtres inférieurs, qu’il fallait exclure de la société.

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LE FAUX VÉL’ D'HIV : SUITE À UNE ERREUR FRÉQUENTE ET FAUTE DES VÉRIFICATIONS DE RIGUEUR, PLUSIEURS ARTICLES SUR LA RAFLE DU VÉLODROME D’HIVER DE 1942 ONT ÉTÉ ILLUSTRÉS AVEC CETTE IMAGE. IL S’AGIT BIEN D’UNE ARCHIVE LIFE, MAIS ELLE CORRESPOND À UNE COURSE D’ENDURANCE DE VÉLOS DATÉE EN AMÉRIQUE EN 1948. CE GENRE DE MÉPRISE OPÉRANT PAR CASCADE ET SE RÉPANDANT ENSUITE TRÈS VITE, IL EST À CRAINDRE QU’ELLE DURERA ENCORE SUR PLUSIEURS SITES.  PUISQU’IL S’AGIT DE FAIRE CONNAÎTRE AU PLUS GRAND NOMBRE ─SURTOUT AUX JEUNES GÉNÉRATIONS─  DES FAITS HISTORIQUES D’UNE GRANDE IMPORTANCE, À ARAUCARIA NOUS PENSONS QU’UN TRÈS GRAND SOIN DOIT ÊTRE PORTÉ À LA VÉRIFICATION PERMANENTE DES SOURCES, ET UNE RIGUEUR INVARIABLE À LA VÉRITÉ DES PROPOS PUBLIÉS. PHOTO : RALPH MORSE, 1948, IN REVUE LIFE

Après la dissolution du PCF en 1939, les organisations qui lui étaient rattachées sont contraintes à l’illégalité. Dès septembre 1940, le secteur juif de la MOI crée à Paris Solidarité (sous l’impulsion de Marcel Prenant, du professeur Debré, de Vladimir Jankélévitch et de Charles Lederman, NDLR) (3), première organisation clandestine de résistance juive, chargée entre autres d’aider à survivre ceux qui sont en grande difficulté. Ses militants avaient connu les persécutions antisémites et le fascisme dans leurs pays d’origine, ils avaient lutté pour le Front populaire en France, dans les Brigades internationales en Espagne. Ils savaient ce que signifiait l’arrivée d’Hitler au pouvoir.

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DES DÉPORTÉS JUIFS AU CAMP DE DRANCY, PARMI LES 13000 RAFLÉS PAR LA POLICE FRANÇAISE DE VICHY EN JUILLET 1942, AVANT LEUR DÉPART VERS LES CAMPS DE CONCENTRATION ALLEMANDS. PHOTO AFP



LA RAFLE DU VÉLODROME D'HIVER (16-17 JUILLET 1942), SOUVENT APPELÉE « RAFLE DU VEL' D'HIV », EST LA PLUS GRANDE ARRESTATION MASSIVE DE JUIFS RÉALISÉE EN FRANCE PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE. EN JUILLET 1942, LE RÉGIME NAZI ORGANISE L'OPÉRATION « VENT PRINTANIER » : UNE ÉNORME RAFLE DE JUIFS DANS PLUSIEURS PAYS EUROPÉENS. EN FRANCE, LE RÉGIME DE VICHY MOBILISE LA POLICE FRANÇAISE POUR PARTICIPER À L'OPÉRATION : À PARIS, 9000 POLICIERS ET GENDARMES RAFLERONT LES JUIFS. LE 17 JUILLET, EN FIN DE JOURNÉE, LE NOMBRE DES ARRESTATIONS DANS PARIS ET LA BANLIEUE ÉTAIT DE 13 152, SELON LES CHIFFRES DE LA PRÉFECTURE DE POLICE.  

La presse clandestine multiforme du secteur juif de la MOI et du PCF alerta sans cesse la population juive : « La déportation, c’est le chemin de la mort ; la résistance et la lutte contre la déportation, c’est le chemin de la vie.» Dans un des tout premiers tracts du PCF, distribué dans le quartier de Belleville en septembre 1940, on lit : « Travailleurs non juifs, artisans, commerçants, pas de propagande antisémite dans notre quartier ! (…) Les maris, les fils de la population juive étaient au front en première ligne avec nous (…), avec nous, ils travaillent et luttent.»

« Brisons l’arme de l’antisémitisme ! Unissons-nous », titre un tract de mai 1941, tiré à 75 000 exemplaires, qui dénonce l’internement de 5 000 juifs dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, d’où 15 000 hommes, femmes et enfants seront déportés (4). Le 7 septembre 1942, un tract intitulé « Informations sur les atrocités nazies » dénonce : « Les rafles des juifs commencées le 16 juillet dans toute la zone occupée, les internements et les déportations de masse qui les ont suivies compteront au nom des pires atrocités dont l’histoire ait gardé le souvenir. » (5)

Le Mouvement national contre le racisme (MNCR) fit de ce jeudi noir (6) une brochure, Récit, diffusée une dizaine de jours plus tard dans toute la France. Émanation de la section juive de la MOI, devenue le Mrap après la guerre, s’appuyant essentiellement sur les communistes et les chrétiens, réunissant des personnalités très diverses, éditant de nombreux journaux qui révélaient la vérité dans toute sa sanglante horreur, ce mouvement fut le trait d’union fondamental entre les organisations juives et non juives. J’accuse, publié en 1943, titrait : « De la révolte de la conscience française est né notre mouvement de lutte contre la barbarie raciste. »


(1) En 1927, le PCF crée la MOI : 
Main-d’œuvre immigrée. Les juifs d’Europe centrale qui parlent yiddish sont regroupés dans la branche juive.

(2) Secrétaire général de la police de Vichy.

(3) Solidarité se transformera en une série de mouvements clandestins qui donneront naissance en 1943 à l’UJRE, Union des juifs pour la résistance et l’entraide.

(4) David Diamant, les Juifs dans 
la Résistance française, 1940-1944, 
éditions le Pavillon.

(5) La Presse antiraciste sous l’occupation hitlérienne, 1940-1944, éditée en 1950 
par l’UJRE.

(6) « Sombre jeudi » ou « jeudi noir », 
ainsi les juifs nommèrent-ils le 16 juillet.

Claudie Bassi Lederman et Roland Wlos