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lundi 30 juillet 2012

A QUI PROFITE LA DESTITUTION DU PRÉSIDENT LUGO ?

PAR CARLOS LATUFF

Plusieurs députés ont même commencé à parler de la « nécessité » d’installer une base militaire américaine dans le pays. Ceux de l’Unace [Union nationale de citoyens éthiques, droite nationaliste], le parti de l’ancien général putschiste Lino Oviedo, ont même proposé un site : dans le Chaco, à la frontière avec la Bolivie, à équidistance ou presque de l’Argentine, du Brésil et du Venezuela. La purge des fonctionnaires soupçonnés d’être proches du président Lugo, ou qui ne sont pas ouvertement favorables au nouveau gouvernement, a d’ores et déjà commencé. Tout est mis en œuvre afin d’obtenir le maximum de voix à l’élection présidentielle d’avril 2013, mais aussi de récolter les fonds qui permettront au Parti libéral radical authentique de Federico Franco de devancer son allié, le Parti colorado, qui dispose de moyens financiers infiniment supérieurs.


LE NÉPOTISME DE FRANCO.  AU PARAGUAY PRÉCISÉMENT OÙ LES DÉCISIONS DU NOUVEAU PRÉSIDENT NE FONT PAS VRAIMENT L'UNANIMITÉ. « L'ÈRE FRANCO VA-T-ELLE ÊTRE CELLE DU NÉPOTISME ? », S'INTERROGE LE QUOTIDIEN LA NACIÓN. A L'ORIGINE DU SCANDALE, UN DÉCRET SIGNÉ HIER PAR LE PRÉSIDENT PARAGUAYEN. FEDERICO FRANCO AVAIT, LORS DE SON INVESTITURE IL Y A DEUX SEMAINES, PROMIS UNE PRÉSIDENCE PLUS HONNÊTE ET LE VOILÀ QUI VIENT DE NOMMER SA BELLE-SŒUR À UN POSTE DE DIRECTION AU SEIN DE L'ENTREPRISE PUBLIQUE QUI GÈRE L'IMMENSE BARRAGE D'ITAIPU, À LA FRONTIÈRE AVEC LE BRÉSIL. LES RÉACTIONS NE SE SONT PAS FAITES ATTENDRE DANS CE CONTEXTE DÉJÀ EXPLOSIF. LA NACIÓN EN LISTE QUELQUES-UNES PUBLIÉES SUR LE RÉSEAU SOCIAL TWITTER PAR LES INTERNAUTES PARAGUAYENS. CERTAINS IRONISENT DÉJÀ : « IL NOUS A DIT ' NOTRE GOUVERNEMENT SERA COMPOSÉ DES MEILLEURS ', EN FAIT IL VOULAIT DIRE DE SES MEILLEURS COPAINS ». D'AUTRES PLUS SÉVÈRES APPELLENT À UN PROCÈS POLITIQUE EXPRESS ET À LA DESTITUTION IMMÉDIATE DE FRANCO, EXACTEMENT COMME CE FUT LE CAS POUR SON PRÉDÉCESSEUR, FERNANDO LUGO, LE MOIS DERNIER. DESSIN  PANCHO CAJAS

Plus les jours passent et mieux on comprend à qui profite le crime. Les grands bénéficiaires de ce coup d’Etat sont, d’une part, les multinationales de l’agroalimentaire, et, d’autre part, certains hommes politiques, pour la plupart liés à l’agrobusiness. Côté politique, le grand gagnant de la destitution de Lugo est Horacio Cartes, du Parti colorado, l’un des plus puissants chefs d’entreprise du pays et, selon WikiLeaks, il aurait fait l’objet d’une enquête aux Etats-Unis pour des affaires de blanchiment d’argent en lien avec les trafiquants de drogue. Horacio Cartes est un grand propriétaire terrien, cultivateur de soja, comme son collègue Blas Riquelme, qui est à la tête de plus de 70 000 hectares dans la région de Curuguaty [dans l’ouest du pays]. Riquelme s’est approprié ces terres, sans que l’on sache très bien comment, sous le régime militaire (il n’a pas de titres de propriété). 

Ce sont d’ailleurs ses exploitations qui ont été occupées en juin par des paysans sans terre, occupation qui s’est soldée par la mort de onze civils et de six policiers à la fin du mois dernier et qui fut à l’origine du  «  coup d’Etat parlementaire » contre Lugo. Riquelme a été pendant des années sénateur et président du Parti colorado. Il doit son ascension politique à la dictature de Stroessner. Lui et Horacio Cartes ont accusé Lugo « d’encourager la lutte des classes » pour avoir soutenu les sans-terre quand il n’était pas encore président. Ils étaient proches d’un autre grand propriétaire terrien qui avait proposé de créer des groupes paramilitaires de défense contre les occupations de terres et la guérilla. Horacio Cartes a apparemment été blanchi aux Etats-Unis puisqu’il s’est récemment rendu là-bas pour rencontrer des banquiers et des hommes politiques influents. 
Il cherchait également des soutiens financiers pour écraser la concurrence au sein de son parti. C’est surtout sur le thème du retour sans condition des capitaux étrangers que le nouveau gouvernement s’est exprimé le plus clairement. Tous les membres du nouveau cabinet ont donné leur accord au débarquement de la multinationale d’aluminium Rio Tinto Alcan, dont le représentant en Uruguay est Diego Zabala, actuel ministre adjoint de l’Industrie. Le gouvernement de Lugo s’était montré moins compréhensif. Des représentants des mines canadiennes (or, uranium et titane) ont manifesté leur soutien au nouveau gouvernement de Franco. Le Canada a été le premier pays à reconnaître la légitimité du nouvel exécutif.
La résistance au régime de Federico Franco est faible : le personnel de la télévision publique et les paysans sont les plus mobilisés. Mais les forces de gauche sont dispersées. Ces quatre dernières années, il n’y a pas vraiment eu de regroupement politique, ce qui ne fait qu’aggraver le sentiment d’impuissance des Paraguayens.

vendredi 20 juillet 2012

LE TÉLESCOPE GÉANT DE L'EUROPE EN CHANTIER AU CHILI


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AFFICHE DU FILM NOSTALGIE DE LA LUMIÈRE DE PATRICIO GUZMAN 

Cette première lumière, prévue pour 2022, sera captée au sommet du Cerro Armazones, dans les Andes chiliennes, au cœur du désert d’Atacama. Il offre aux télescopes concoctés, fabriqués et financés en Europe, ses nuits d’une noirceur incomparable, d’une sécheresse quasi absolue et son atmosphère souvent très calme. Un lieu de légende, si sec qu’on y trouve, intactes, des momies antiques, mais aussi des restes des disparus de Pinochet. On y croise donc des archéologues, les uns fouillant le passé humain, d’autres celui du cosmos, racontait Patricio Guzman dans Nostalgia de la Luz (Festival de Cannes 2010). Toute lumière, en effet, nous dit l’état de l’astre lors de son émission, des centaines de millions ou des milliards d’années avant l’instant où elle frappe l’œil artificiel.

Quelle mouche a piqué les astrophysiciens de planter dans ce désert un tel géant ? Folie des grandeurs ? Nenni. Passer de 10 mètres - la dernière génération de télescopes terrestres - à 39 mètres revient à multiplier par près de vingt le nombre de photons d’avec lesquels un astre irradie le cosmos. Surgiront alors de l’obscurité des objets aujourd’hui invisibles, ou juste entr’aperçus. Leur étude minutieuse doit répondre aux questions posées par la découverte de l’histoire, de la géographie et du contenu du cosmos : la saga scientifique du XXe siècle, popularisée au point de parfois éclipser les cosmogonies mythiques ou religieuses avec lesquelles l’humanité tente de se faire une place dans l’Univers.

ESO EXPLOITE DES OBSERVATOIRES DANS TROIS SITES AU CHILI : CHAJNANTOR, CERRO PARANAL ET CERRO LA SILLA   (« CERRRO » EST LE MOT ESPAGNOL POUR « LA MONTAGNE »). DE PLUS, ESO CONSTRUIRA  LE TÉLESCOPE GÉANT EUROPÉEN (E-ELT) À CERRO ARMAZONES, PRÈS DE PARANAL. CETTE CARTE MET EN ÉVIDENCE LA RÉGION AU CHILI DANS LA QUELLE LES OBSERVATOIRES SONT LOCALISÉS ET DONNE UNE VUE AMPLIFIÉE DE CETTE ZONE, MONTRANT LES AÉROPORTS LES PLUS PROCHES AUX SITES ET LES PARCOURS LES CONNECTANTS EN VOITURE, AUSSI BIEN QUE L'EMPLACEMENT DE BUREAUX ESO.

Cette histoire étrange renie le «il était une fois», car elle récuse, rigoriste, tout véritable début - au sens où il n’y aurait rien avant. Mais les cosmologistes la déroulent à partir de la phase extrêmement chaude, dense et fugace de l’Univers, il y a 13,7 milliards d’années - ils prétendent même connaître cet âge avec une précision de 1% - lorsque le cosmos se réduisait à une purée presque homogène de particules élémentaires. Puis, après une expansion express, donc un refroidissement permettant la formation des atomes, l’Univers s’est structuré. Peu à peu, la matière s’est condensée ici, creusant d’immenses vides là. Après un âge sombre, naquirent les galaxies primordiales, où éclosent des étoiles par milliards. Ces structures galactiques, ont découvert les astronomes, offrent à leurs yeux une dynamique énigmatique. Confrontée à leur théorie majeure, la gravitation selon Albert Einstein, elle suppose que d’étranges matière et énergie, dites noires par aveu d’inconnaissance, peuplent le cosmos. Alourdies de matière noire, les galaxies gisent sur elles-mêmes dans un tempo trop rapide. L’expansion de l’Univers semble même s’accélérer depuis quelques milliards d’années, attisée par une mystérieuse énergie du vide. Matière et énergie noires cachent-elles les concepts qui vont révolutionner la physique ? Ou se révéleront-elles des inventions humaines, éphémères, qui s’évanouiront comme l’éther des physiciens du XIXe siècle, dissipé par Albert Einstein ?

L’E-ELT, espèrent les cosmologistes, s’attaquera à ces interrogations redoutables. Révélera la vitesse de l’expansion universelle telle qu’elle se déroulait il y a plusieurs milliards d’années, en mesurant avec une précision extrême la distance d’un objet très lointain, à dix ou quinze ans d’intervalle.

CE DESSIN CONCEPT ARCHITECTURAL D'ESO POUR LE TÉLESCOPE E-ELT, LE TÉLESCOPE GÉANT QUE LES EUROPÉENS VONT CONSTRUIRE AU CHILI. PHOTO SWINBURNE PRODUCTIONS ASTRONOMIE / ESO 
Dans ces premières galaxies, à l’aube de l’Univers, sont nées des étoiles supergéantes, brillantes comme dix millions de soleils, fabriquées à l’aide des seuls éléments chimiques issus de la nucléosynthèse du big bang : hydrogène, hélium et un poil de lithium. Au ciel comme ici-bas, à brûler trop sa chandelle, la vie se consume vite. Ces étoiles éphémères ont disparu depuis plus de dix milliards d’années. Les étudier exige d’aller fouiller le fond du cosmos, à la recherche de traces fugaces, ténues, de leur brillance évanouie. Une quête sur laquelle buttent les télescopes actuels, mais à portée de l’œil géant de l’Atacama. Vies brèves, mais fins glorieuses. Ces supernovae - les astrophysiciens nomment ainsi ces explosions d’étoiles géantes, vaincues par leur propre gravitation dès lors que leur feu thermonucléaire s’éteint - ont alors ensemencé l’Univers, déclenchant son évolution chimique. Forgés dans leurs cœurs, surtout lors de ses derniers instants de feu nucléaire, les atomes lourds que le big bang n’avait pu concocter se sont dispersés dans l’espace interstellaire. De quoi former de nouvelles étoiles, plus «métalliques» précisent les spécialistes. Mais aussi des planètes. Gazeuses, ou rocheuses. Géantes, ou de la taille de la Terre. Le fer et l’oxygène de notre sang sont constitués de cette «poussière d’étoiles».

Le cosmos n’abrite-t-il qu’une planète porteuse de vie ? L’évolution chimique qui s’y déroule depuis treize milliards d’années, les milliards de milliards de planètes orbitant autour de soleils, l’abondance des molécules d’eau, partout dans le cosmos, l’ubiquité des molécules à base de carbone, proche des briques de la vie terrestre, tout cela n’a-t-il servi qu’une fois, ici, il y a plus de trois milliards d’années ? En poussant l’E-ELT à ses limites, à l’aide de dispositifs astucieux pour «tuer» la lumière éblouissante de l’étoile et conserver le lumignon d’une planète proche, les astrophysiciens espèrent tirer le portrait spectroscopique de son atmosphère. Afin d’y quêter la trace d’une biologie à l’œuvre. Une quête toutefois réservée à notre petit coin de galaxie.

CETTE IMAGE MONTRE L'AUBE AU CERRO ARMAZONES, LE SITE DU L'E-ELT, LE TÉLESCOPE GÉANT QUE LES EUROPÉENS VONT CONSTRUIRE AU CHILI. PHOTO S. BRUNIER

Pour relever ces défis, l’E-ELT ne compte pas uniquement sur son miroir géant, constitué de 798 segments de 133 formes différentes, assemblés avec une précision diabolique. Les astrophysiciens et les ingénieurs européens vont y associer les prodiges de technologies. Le miroir géant composite débute une chaîne optique de cinq miroirs, dont le second fera six mètres. Le quatrième - 2,40 mètres de diamètre pour une lame de deux millimètres - recèle le secret de l’acuité de l’œil géant. Mille fois par seconde, six mille actionneurs déformeront sa géométrie pour corriger l’image des minuscules effets de la turbulence de l’air, dans la ligne de visée du télescope. Une turbulence mesurée en permanence à l’aide de six étoiles artificielles, créées par autant de lasers, tirant dans le champ de vue. De quoi presque s’affranchir de l’atmosphère, l’ennemie de l’astronome. Maîtres ès optique, les astrophysiciens et ingénieurs français jouent un rôle décisif dans cette technologie clé, contre laquelle ils obtiendront du temps d’observation garanti, précieux dans la rude compétition pour l’accès au télescope.

Après avoir braqué sa lunette sur Jupiter, Galilée, en 1610, rédigeait le Messager des étoiles (Sidereus nuncius) pour annoncer la fin du «monde parfait» qui, à en croire le dogme aristotélicien, régnait de la Lune au bout du ciel. Il y révélait la course des satellites joviens autour de la planète géante, participant ainsi à déboulonner la Terre de son rôle de pivot du cosmos, contredisant la Bible. Quel message l’œil géant de l’Atacama nous délivrera-t-il ?

L’EUROPEAN EXTREMELY LARGE TELESCOPE (E-ELT, EN FRANÇAIS L'EXTRÊMEMENT GRAND TÉLESCOPE EUROPÉEN)  ICI VU DANS UNE COMPARAISON D'ÉCHELLE AVEC UN DES DÔMES DU VERY LARGE TELESCOPE (VLT, EN FRANÇAIS TRÈS GRAND TÉLESCOPE) QUI EST UN ENSEMBLE DE 4 TÉLESCOPES PRINCIPAUX ET 4 AUXILIAIRES À L'OBSERVATOIRE DU CERRO PARANAL, 

Les astronomes européens l’avouent sans honte : au XXe siècle, leurs collègues américains ont mené l’exploration de l’Univers. Aucun sentiment d’infériorité intellectuelle dans cet aveu. Et même la fierté d’avoir, de temps en temps, damé le pion aux collègues. Leurs télescopes de Hawaï ou de La Silla au Chili ont permis de jolis coups scientifiques. La traque aux exoplanètes a même connu son premier succès en 1995 à Saint-Michel-l’Observatoire (Alpes-de-Haute-Provence). Mais les Américains ont découvert les vraies dimensions de l’Univers, son expansion et son contenu gravitationnel, en bénéficiant des télescopes les plus puissants de leur époque installés aux monts Wilson (2,50 mètres en 1917) et Palomar (5 mètres en 1947) puis à Hawaï (le Keck de 10 mètres, en 1993), sans oublier le Hubble Space Telescope de la Nasa, en 1990. La fin du XXe siècle vit l’arrivée des télescopes de 8 à 12 mètres. Une quinzaine, dont les quatre du Very Large Telescope de l’ESO. Combien de télescopes de 30 à 50 mètres seront construits ? Il n’existe pour l’instant que trois projets de ces nouveaux explorateurs du cosmos. Du trio, l’E-ELT, avec ses 39,30 mètres, tient la tête. Le moins puissant devrait être le Giant Magellan Telescope, constitué de sept miroirs de 8,40 mètres accolés - l’équivalent d’un miroir de 24 mètres environ -, que des grandes universités américaines comme Harvard construisent à Las Campanas, également dans le désert d’Atacama. Le TMT, Thirthy Meter Telescope, un projet piloté par les universités de Californie qui doit s’ériger sur le volcan éteint Mauna Kea d’Hawaï, utilisera un miroir de 30 mètres constitué de plusieurs centaines de segments.



Par Sylvestre Huet, le 19 juillet 2012

mercredi 18 juillet 2012

LE « MANDELA DAY », UN APPEL MONDIAL À L’ENTRAIDE

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PORTRAIT DU LEADER SUD AFRICAIN : NELSON MANDELA. PHOTO IMAGESHACK

Les messages de vœux et les incitations à agir conformément aux valeurs prônées par le père de la Nation Arc-en-ciel sont également arrivés du monde entier ce mercredi. Le président américain Barack Obama et son épouse Michelle ont salué la « volonté de fer » et l’« intégrité sans faille » de l’ancien président Sud-Africain. Alors qu’en France, une banderole devait être déployée par des enfants au départ de la seizième étape à Pau, le Secrétaire Général de l’ONU Ban Ki-moon rend lui hommage à un « combattant de la liberté » : dans un message vidéo, il s’est joint à la fondation Mandela pour appeler « chacun d’entre nous à effectuer 67 minutes de service public ». « Rejoignez le mouvement de Mandela pour rendre le monde meilleur. […] Agissez, provoquez le changement. Faites de chaque jour un "Mandela Day" », a-t-il dit. 

« Mandela a consacré 67 ans de sa vie à améliorer celle des autres »

En Afrique du Sud, la journée a débuté à 8h00 par un « happy birthday » chanté par plus de 12 millions d’enfants dans les écoles du pays. Un « Joyeux anniversaire » suivi d’un « We love you tata », « Nous t’aimons père ». Paul Ramela, le directeur d’une école primaire de Soweto, explique à ses élèves : « C'est un jour très important pour nous tous. [...] Nous sommes ici pour célébrer l'anniversaire d'une personne très importante, une personne qui nous a libérés de l'apartheid ». « Mandela a consacré 67 ans de sa vie à améliorer la vie des autres. Il a tant fait pour nous », poursuit-il.

Militant du Congrès National Africain (ANC), le mouvement luttant contre la ségrégation raciale et la domination politique de la minorité blanche en Afrique du Sud, Nelson Mandela avait été condamné à la prison à perpétuité en 1963. Relâché le 11 février 1990, il a soutenu la réconciliation entre noirs et blancs et reçu en 1993, conjointement avec le président Sud-africain d’alors, Frederik de Klerk, le prix Nobel de la paix pour avoir mis pacifiquement fin au régime d’apartheid. Après les premières élections non raciales de l’histoire du pays en 1994, « Madiba » devient président de la République d’Afrique du Sud, poste qu’il occupera durant un seul et unique mandat, jusqu’en 1999. Il s’est depuis retiré de la vie politique mais est resté impliqué dans plusieurs associations de lutte contre la pauvreté ou le sida.

À 94 ans, Nelson Mandela a une santé de plus en plus fragile (il avait été hospitalisé au mois de février). Ses apparitions publiques se font rares, la dernière remontant à la finale de la Coupe du monde de football à Johannesburg en juillet 2010. Aujourd’hui, il bénéficie d’un cadeau d’anniversaire inattendu : des biologistes ont découvert en Afrique du Sud un nouveau fossile de pic et l'ont baptisé en son hommage "Australopicus nelsonmandelai".

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lundi 16 juillet 2012

LA RAFLE DU VÉL’ D’HIV, OU LE «SOMBRE JEUDI» 16 JUILLET 1942

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« C'ÉTAIENT DES ENFANTS »  : UNE POIGNANTE EXPOSITION SUR LA DÉPORTATION ET LE SAUVETAGE DES ENFANTS JUIFS À PARIS, RICHE DE TÉMOIGNAGES ET DE DOCUMENTS INÉDITS, À L'HÔTEL DE VILLE, DU 26 JUIN JUSQU'AU 27 OCTOBRE 2012, GRATUITE, ORGANISÉE À L'OCCASION DU 70E ANNIVERSAIRE DE LA RAFLE DU VEL D'HIV, CETTE EXPOSITION EST LE FRUIT D'UN TRAVAIL D'UNE QUINZAINE D'ANNÉES MENÉ PAR LA COLLECTIVITÉ PARISIENNE ET D'UNE RÉCOLTE MINUTIEUSE D'INFORMATIONS DANS LES ÉCOLES, COLLÈGES ET LYCÉES NOTAMMENT. PHOTO ARCHIVES CDJC-MÉMORIAL DE LA SHOAH
Le danger est grand ! (…) La question qui se pose pour chaque juif est : que faire pour ne pas tomber dans les mains des bandits SS ? Que faire pour hâter leur fin et ma libération ? (…)

1. Ne pas attendre à la maison les bandits. Prendre toutes les mesures pour se cacher et pour cacher en premier lieu les enfants avec l’aide de la population française sympathisante.

2. Après avoir garanti sa propre liberté, adhérer à une organisation de combat patriotique pour battre l’ennemi sanguinaire et venger ses crimes.

3. Si l’on tombe entre les mains des bandits, résister par tous les moyens, barricader les portes, appeler à l’aide. On n’a rien à perdre. On peut juste y gagner la vie. Chercher sans cesse à fuir. (…) Chaque juif libre et vivant est une victoire sur notre ennemi. »

Cet appel, en yiddish, fut très largement diffusé dès le 6 juin 1942, six semaines avant la rafle du Vél’ d’Hiv, par Solidarité, organisation clandestine du secteur juif de la MOI. (1)

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ARRIVÉE D'INTERNÉS ARRÊTÉS LORS DE LA RAFLE DU VEL' D'HIV' DES 16 ET 17 JUILLET 1942, AU CAMP DE DRANCY. CRÉDITS PHOTO  PRÉFECTURE DE POLICE

« Vent printanier », nom de code de la rafle barbare, organisée par René Bousquet (2), prévoyait l’arrestation de 27 391 juifs étrangers, hommes, femmes et enfants, même si ces derniers étaient de nationalité française. En fait, 12 884 personnes furent raflées et rassemblées au Vél’ d’Hiv dans des conditions inhumaines. Nombre de juifs ne sachant ni où aller ni où se cacher n’avaient pu suivre les appels de la résistance juive.

Les brutalités abominables exercées sur les vieillards, sur les femmes et sur les enfants, arrachés à leurs parents, avaient profondément choqué la population parisienne, qui manifesta sa solidarité active lorsqu’il fallut cacher les enfants. Pour ceux que la police française avait arrêtés, après le Vél’ d’Hiv ce furent les chambres à gaz et les fours crématoires.

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LE PROCESSUS DE PERSÉCUTION DES JUIFS A COMMENCÉ PAR LEUR RECENSEMENT ET LEUR EXCLUSION -ÉCONOMIQUE ET PROFESSIONNELLE- DANS UN PREMIER TEMPS (LES EMPLOIS DANS LA FONCTION PUBLIQUE LEUR SONT INTERDITS, AINSI QUE LES PROFESSIONS ASSERMENTÉES) ET DE TOUS LES LIEUX PUBLICS DE ZONE OCCUPÉE.  PHOTO © LAPI / ROGER-VIOLLET 
Dès l’armistice de juin 1940, plusieurs textes dirigés contre les Français de « fraîche date» visent implicitement les juifs. Le 22 juillet 1940, une loi remet en question toutes les naturalisations accordées depuis 1927. Le 4 octobre 1940, une autre autorise l’internement dans des camps spéciaux des « ressortissants étrangers de race juive ». Le premier et le second «statut des juifs », le port de l’étoile jaune obligatoire pour tout juif ayant atteint l’âge de six ans, puis plusieurs dizaines de lois et décrets avaient officialisé l’idée que les juifs étaient des êtres inférieurs, qu’il fallait exclure de la société.

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LE FAUX VÉL’ D'HIV : SUITE À UNE ERREUR FRÉQUENTE ET FAUTE DES VÉRIFICATIONS DE RIGUEUR, PLUSIEURS ARTICLES SUR LA RAFLE DU VÉLODROME D’HIVER DE 1942 ONT ÉTÉ ILLUSTRÉS AVEC CETTE IMAGE. IL S’AGIT BIEN D’UNE ARCHIVE LIFE, MAIS ELLE CORRESPOND À UNE COURSE D’ENDURANCE DE VÉLOS DATÉE EN AMÉRIQUE EN 1948. CE GENRE DE MÉPRISE OPÉRANT PAR CASCADE ET SE RÉPANDANT ENSUITE TRÈS VITE, IL EST À CRAINDRE QU’ELLE DURERA ENCORE SUR PLUSIEURS SITES.  PUISQU’IL S’AGIT DE FAIRE CONNAÎTRE AU PLUS GRAND NOMBRE ─SURTOUT AUX JEUNES GÉNÉRATIONS─  DES FAITS HISTORIQUES D’UNE GRANDE IMPORTANCE, À ARAUCARIA NOUS PENSONS QU’UN TRÈS GRAND SOIN DOIT ÊTRE PORTÉ À LA VÉRIFICATION PERMANENTE DES SOURCES, ET UNE RIGUEUR INVARIABLE À LA VÉRITÉ DES PROPOS PUBLIÉS. PHOTO : RALPH MORSE, 1948, IN REVUE LIFE

Après la dissolution du PCF en 1939, les organisations qui lui étaient rattachées sont contraintes à l’illégalité. Dès septembre 1940, le secteur juif de la MOI crée à Paris Solidarité (sous l’impulsion de Marcel Prenant, du professeur Debré, de Vladimir Jankélévitch et de Charles Lederman, NDLR) (3), première organisation clandestine de résistance juive, chargée entre autres d’aider à survivre ceux qui sont en grande difficulté. Ses militants avaient connu les persécutions antisémites et le fascisme dans leurs pays d’origine, ils avaient lutté pour le Front populaire en France, dans les Brigades internationales en Espagne. Ils savaient ce que signifiait l’arrivée d’Hitler au pouvoir.

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DES DÉPORTÉS JUIFS AU CAMP DE DRANCY, PARMI LES 13000 RAFLÉS PAR LA POLICE FRANÇAISE DE VICHY EN JUILLET 1942, AVANT LEUR DÉPART VERS LES CAMPS DE CONCENTRATION ALLEMANDS. PHOTO AFP



LA RAFLE DU VÉLODROME D'HIVER (16-17 JUILLET 1942), SOUVENT APPELÉE « RAFLE DU VEL' D'HIV », EST LA PLUS GRANDE ARRESTATION MASSIVE DE JUIFS RÉALISÉE EN FRANCE PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE. EN JUILLET 1942, LE RÉGIME NAZI ORGANISE L'OPÉRATION « VENT PRINTANIER » : UNE ÉNORME RAFLE DE JUIFS DANS PLUSIEURS PAYS EUROPÉENS. EN FRANCE, LE RÉGIME DE VICHY MOBILISE LA POLICE FRANÇAISE POUR PARTICIPER À L'OPÉRATION : À PARIS, 9000 POLICIERS ET GENDARMES RAFLERONT LES JUIFS. LE 17 JUILLET, EN FIN DE JOURNÉE, LE NOMBRE DES ARRESTATIONS DANS PARIS ET LA BANLIEUE ÉTAIT DE 13 152, SELON LES CHIFFRES DE LA PRÉFECTURE DE POLICE.  

La presse clandestine multiforme du secteur juif de la MOI et du PCF alerta sans cesse la population juive : « La déportation, c’est le chemin de la mort ; la résistance et la lutte contre la déportation, c’est le chemin de la vie.» Dans un des tout premiers tracts du PCF, distribué dans le quartier de Belleville en septembre 1940, on lit : « Travailleurs non juifs, artisans, commerçants, pas de propagande antisémite dans notre quartier ! (…) Les maris, les fils de la population juive étaient au front en première ligne avec nous (…), avec nous, ils travaillent et luttent.»

« Brisons l’arme de l’antisémitisme ! Unissons-nous », titre un tract de mai 1941, tiré à 75 000 exemplaires, qui dénonce l’internement de 5 000 juifs dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, d’où 15 000 hommes, femmes et enfants seront déportés (4). Le 7 septembre 1942, un tract intitulé « Informations sur les atrocités nazies » dénonce : « Les rafles des juifs commencées le 16 juillet dans toute la zone occupée, les internements et les déportations de masse qui les ont suivies compteront au nom des pires atrocités dont l’histoire ait gardé le souvenir. » (5)

Le Mouvement national contre le racisme (MNCR) fit de ce jeudi noir (6) une brochure, Récit, diffusée une dizaine de jours plus tard dans toute la France. Émanation de la section juive de la MOI, devenue le Mrap après la guerre, s’appuyant essentiellement sur les communistes et les chrétiens, réunissant des personnalités très diverses, éditant de nombreux journaux qui révélaient la vérité dans toute sa sanglante horreur, ce mouvement fut le trait d’union fondamental entre les organisations juives et non juives. J’accuse, publié en 1943, titrait : « De la révolte de la conscience française est né notre mouvement de lutte contre la barbarie raciste. »


(1) En 1927, le PCF crée la MOI : 
Main-d’œuvre immigrée. Les juifs d’Europe centrale qui parlent yiddish sont regroupés dans la branche juive.

(2) Secrétaire général de la police de Vichy.

(3) Solidarité se transformera en une série de mouvements clandestins qui donneront naissance en 1943 à l’UJRE, Union des juifs pour la résistance et l’entraide.

(4) David Diamant, les Juifs dans 
la Résistance française, 1940-1944, 
éditions le Pavillon.

(5) La Presse antiraciste sous l’occupation hitlérienne, 1940-1944, éditée en 1950 
par l’UJRE.

(6) « Sombre jeudi » ou « jeudi noir », 
ainsi les juifs nommèrent-ils le 16 juillet.

Claudie Bassi Lederman et Roland Wlos

samedi 14 juillet 2012

LES REBELLES DU FOOT

CARLOS CASZELY EST CONSIDÉRÉ L'UN DES
MEILLEURS JOUEURS CHILIENS, AU MÊME
TITRE QU’ELÍAS FIGUEROA, IVÁN ZAMORANO,
MARCELO SALAS OU LEONEL SÁNCHEZ
Lors du coup d'état du 11 septembre 1973, Caszely ne vit pas au Chili : il joue la «Liga», le championnat espagnol. Il est un opposant à distance mais quand il rentre dans son pays, Carlos Caszely ne se tait pas. Le jour où l'équipe national est reçu par le dictateur, le général Pinochet serre les mains de tous les joueurs, mais Caszely refuse de lui tendre la sienne. Pour le footballeur, qui estime à cet instant avoir « un peuple derrière lui », ce geste est une « obligation ».

« ILS M’ONT FAIT PAYER AVEC CE QUI M’ÉTAIT LE PLUS CHER : EN TORTURANT MA MÈRE. TOUT ÇA PARCE QUE J’AI DIT NON À LA DICTATURE. » CARLOS CASZELY FUT, EN 1973, L’UN DES RARES À S’OPPOSER OUVERTEMENT  À PINOCHET.


Carlos Caszely a payé très cher son engagement, car, ne pouvant s'en prendre à lui, Pinochet s'est attaqué à sa mère, qui a été enlevée et torturée. Des années après, dans un message télévisé de la campagne pour le référendum de 1988, sa mère racontera son calvaire, mais en occultant certains détails « par respect pour ses enfants et sa famille ».


Rappelons que le lieu des exploits sportifs de Carlos Caszely et de son équipe, et ceux de la sélection chilienne de foot, c’est le grand stade national du Chili. Ce stade reste associé dans la mémoire des chiliens aux grands moments de joie sportive mais aussi aux pires souffrances : en 1973, le site est reconverti par les militaires en énorme camp de concentration où des milliers d'opposants sont internés et atrocement torturés.
Une quantité encore indéterminée d’exécutions sommaires clandestines y ont eu lieu et nombre de prisonniers disparaîtront pour toujours.

DANS LA MÉMOIRE DES CHILIENS LE STADE NATIONAL RESTE ASSOCIÉ AUX GRANDES JOIES SPORTIVES MAIS AUSSI AUX PIRES SOUFFRANCES. LA DICTATURE DU GÉNÉRAL PINOCHET Y A OUVERT EN 1973 UN DES PREMIERS CAMPS DE CONCENTRATION, OÙ DES MILLIERS D'OPPOSANTS SONT INTERNÉS ET ATROCEMENT TORTURÉS. NOMBRE D'ENTRE EUX DISPARAÎTRONT. PHOTO ARCHIVES INA.

Deux semaines après la mort de Salvador Allende à La Moneda, le stade sera également le théâtre d'une rencontre ubuesque. L'URSS, qui devait jouer un match contre le Chili à Santiago pour les éliminatoires de la Coupe du monde, décide de le boycotter, mais la Fédération internationale de Football (FIFA) maintient la rencontre. La sélection chilienne est donc seule sur le terrain et marque contre l'Union soviétique son but qualificatif .
Dans un pays tétanisé par la terreur, la dictature a mis en scène ce match comme sa victoire symbolique sur « les communistes ». Caszely raconte qu'après ce but, les joueurs sont allés saluer la seule tribune vide du stade. Celle des « disparus de la dictature ».
LES REBELLES DU FOOT, film de Gilles Perez et Gilles Rof, à voir sur Arte, dimanche 15 juillet 2012, à 20:30

vendredi 13 juillet 2012

LES GALAXIES NOIRES DE L’UNIVERS PRIMORDIAL OBSERVÉES POUR LA PREMIÈRE FOIS

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CETTE IMAGE PROFONDE MONTRE UNE RÉGION DU CIEL AUTOUR DU QUASAR HE0109-3518. LE QUASAR EST REPÉRÉ PAR UN CERCLE ROUGE À PROXIMITÉ DU CENTRE DE L'IMAGE. LE RAYONNEMENT ÉNERGÉTIQUE DU QUASAR FAIT BRILLER LES GALAXIES NOIRES, AIDANT AINSI LES ASTRONOMES À COMPRENDRE LES PHASES PRIMORDIALES OBSCURES DE LA FORMATION DES GALAXIES. LES IMAGES FAIBLES DU RAYONNEMENT DE 12 GALAXIES NOIRES SONT INDIQUÉES PAR DES CERCLES BLEUS. LES GALAXIES NOIRES SONT PRATIQUEMENT DÉNUÉES D'ÉTOILES ET, DE CE FAIT, ELLES N'ÉMETTENT AUCUNE LUMIÈRE QUE LES TÉLESCOPES PEUVENT CAPTER. ELLES SONT AINSI PRATIQUEMENT IMPOSSIBLES À OBSERVER À MOINS QU'ELLES NE SOIENT ILLUMINÉES PAR UNE SOURCE LUMINEUSE EXTÉRIEURE COMME UN QUASAR EN ARRIÈRE-PLAN.  CETTE IMAGE COMBINE DES OBSERVATIONS FAITES AVEC LE VLT, DÉDIÉES À LA DÉTECTION D'ÉMISSIONS FLUORESCENTES PRODUITES PAR UN QUASAR ILLUMINANT LES GALAXIES NOIRES, AVEC DES DONNÉES COULEUR PROVENANT DU DIGITIZED SKY SURVEY 2. CRÉDIT ESO, DIGITIZED SKY SURVEY 2 AND S. CANTALUPO (UCSC)


Etant pratiquement dépourvues d'étoiles, ces galaxies noires n'émettent pas beaucoup de lumière, ce qui les rend très difficiles à détecter. Pendant des années les astronomes ont essayé de développer de nouvelles techniques pour confirmer leur existence. De petites raies en absorption dans le spectre de sources lumineuses d'arrière-plan ont laissé supposer leur existence. Cependant, cette nouvelle étude correspond à la première fois où de tels objets ont été observés directement.

« Notre approche du problème de détection des galaxies noires a été simplement de les éclairer avec une lumière puissante » Explique Simon Lilly (ETH Zurich, Suisse), coauteur de l'article. « Nous avons cherché le rayonnement fluorescent du gaz dans les galaxies noires quand elles sont illuminées par la lumière ultraviolette émise par un quasar proche et très brillant. La lumière du quasar fait s'illuminer les galaxies noires par un processus semblable à la manière dont les vêtements blancs s'illuminent avec une lampe ultraviolette de lumière noire dans une discothèque. » [1]



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CE GRAPHIQUE MONTRE L'EMPLACEMENT DU QUASAR HE0109-3518 DANS LA CONSTELLATION DU SCULPTEUR. CETTE CARTE MONTRE LA PLUPART DES ÉTOILES VISIBLES À L'ŒIL NU DANS DE BONNES CONDITIONS ET L'EMPLACEMENT DU QUASAR EST INDIQUÉ PAR UN CERCLE ROUGE. CRÉDIT ESO, IAU AND SKY AND TELESCOPE
L'équipe a tiré parti de la grande surface collectrice et de la sensibilité du VLT ainsi que d'une série d'observations avec de très longs temps de pose, pour détecter la lumière fluorescente extrêmement faible des galaxies noires. Ils ont utilisé l'instrument FORS2 pour cartographier une région du ciel autour du quasar brillant [2] HE 0109-3518, à la recherche de la lumière ultraviolette émise par l'hydrogène quand il est soumis à d'intenses rayonnements. Du fait de l'expansion de l'Univers, avec le temps qu'il faut à cette lumière pour atteindre le VLT, elle est en fait observée comme une nuance de violet. [3]

« Après plusieurs années de tentatives pour détecter l'émission fluorescente des galaxies noires, nos résultats démontrent le potentiel de notre méthode pour découvrir et étudier ces objets fascinants et auparavant invisibles, » déclare Sebastiano Cantalupo (University of California, Santa Cruz), le premier auteur de cette étude.

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CETTE IMAGE À GRAND CHAMP DU CIEL AUTOUR DU QUASAR HE0109-3518 EST UNE COMPOSITION COULEUR FAITE AVEC DES CLICHÉS DU DIGITIZED SKY SURVEY 2 (DSS2). LE CHAMP TOTAL DE CETTE IMAGE EST D'ENVIRON 3 DEGRÉS DE LARGE. CRÉDIT ESO/DIGITIZED SKY SURVEY 2. ACKNOWLEDGMENT DAVIDE DE MARTIN.
L'équipe a détecté près de 100 objets gazeux situés dans un rayon de quelques millions d'années-lumière autour du quasar. Après une analyse méticuleuse conçue pour exclure les objets dont l'émission pourrait être provoquée par la formation stellaire interne aux galaxies et non pas par la lumière du quasar, ils ont finalement réduit leur recherche à 12 objets. Il s'agit là de l'identification des galaxies noires de l'Univers primordial la plus convaincante à ce jour.

Les astronomes ont aussi été capables de déterminer quelques propriétés des galaxies noires. Ils ont estimé que la masse de leur gaz équivaut à environ 1 milliard de fois la masse du Soleil, ce qui est typique pour les galaxies de faible masse riche en gaz de l'Univers primordial. Ils ont également pu estimer que l'efficacité de la formation stellaire est réduite d'un facteur 100 par rapport aux galaxies à formation d'étoiles typiques trouvées à une phase similaire de l'histoire cosmique. [4]


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CETTE IMAGE MONTRE 12 IMAGES DE GROS PLAN DE GALAXIES SOMBRES. CEUX-CI SONT ESSENTIELLEMENT EXEMPTS D'ÉTOILES ET SERAIENT NORMALEMENT INVISIBLES AUX TÉLESCOPES. CEPENDANT, LEUR GAZ EST ILLUMINÉ PAR LA LUMIÈRE INTENSE D'UN QUASAR VOISIN, LES FAISANT VISIBLE AU VLT. CRÉDIT ESO, ENQUÊTE(VUE GÉNÉRALE) DE CIEL NUMÉRISÉE 2 ET S. CANTALUPO (UCSC)
« Nos observations avec le VLT ont fourni la preuve de l'existence de nuages noirs compacts et isolés. Avec cette étude, nous avons fait un pas capital vers la découverte et la compréhension des premières et obscures phases de la formation des galaxies et sur la manière dont les galaxies acquièrent leur gaz, » conclut Sebastiano Cantalupo.

Le spectrographe intégral de champ MUSE, qui sera mis en service sur le VLT en 2013 sera un outil extrêmement puissant pour étudier ces objets.

Notes

[1] La fluorescence est l’émission de lumière par une substance illuminée par une source lumineuse. Dans la plupart des cas, la lumière émise a une longueur d’onde plus longue que celle de la source lumineuse. Par exemple, les lampes fluorescentes transforment le rayonnement ultraviolet – qui nous est invisible- en lumière visible. La fluorescence apparaît naturellement dans certains éléments comme les roches ou les minéraux, mais elle peut aussi être ajoutée intentionnellement comme dans les détergents qui contiennent des substances chimiques fluorescentes pour que les habits blancs apparaissent plus blancs sous la lumière normale.

[2] Les quasars sont des galaxies lointaines très brillantes que l’on suppose alimentées par des trous noirs supermassifs en leur centre. Leur brillance en fait des phares puissants qui peuvent aider à illuminer les zones environnantes, en sondant l’époque où les premières étoiles et galaxies se sont formées à partir du gaz primordial.

[3] Cette émission de l’hydrogène est connue sous le nom de rayonnement Lyman-alpha et se produit quand les électrons de l’atome d’hydrogène passent du second niveau d’énergie au niveau fondamental. C’est de la lumière ultraviolette. Du fait de l’expansion de l’Univers, la longueur d’onde de la lumière des objets est étirée au cours de son voyage spatial. Plus le trajet de la lumière est long, plus sa longueur d’onde est étirée. Le rouge étant la plus grande longueur d’onde visible pour nos yeux, ce processus est littéralement un décalage des longueurs d’onde vers l’extrémité rouge du spectre – d’où le nom de « redshift » en anglais pour décalage vers le rouge. Le quasar HE 0109-3518 est situé à un redshift de z = 2,4 et la lumière ultraviolette des galaxies noires est décalée dans le domaine visible du spectre. Un filtre a bande étroite a été spécialement fabriqué pour isoler la longueur d’onde spécifique de le lumière de l’émission fluorescente décalée vers le rouge. Le filtre était centré à environ 414.5 nanomètres afin de capturer l’émission Lyman Alpha décalée vers le rouge à un redshift z = 2,4 (ce qui correspond à une nuance de violet) et avait une bande passante de seulement 4 nanomètres.

[4] L’efficacité de la formation stellaire est le rapport de la masse des étoiles nouvellement formées sur la masse de gaz disponible pour former des étoiles. Ils ont trouvé qu’il faudrait plus de 100 milliards d’années à ces objets pour transformer leur gaz en étoiles. Ce résultat est en accord avec de récentes études théoriques qui suggèrent que les halos de faible masse riche en gaz situé à grand redshift doivent avoir une très faible efficacité de formation stellaire du fait d’un contenu en métaux plus faible.

Plus d'informations
Cette recherche a été présentée dans un article intitulé "Detection of dark galaxies and circum-galactic filaments fluorescently illuminated by a quasar at z=2.4", par Cantalupo et al. publié dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.

L'équipe est composée de Sebastiano Cantalupo (University of California, Santa Cruz, USA), Simon J. Lilly (ETH Zurich, Suisse) et Martin G. Haehnelt (Kavli Institute for Cosmology, Cambridge, Royaume Uni).

L'année 2012 marque le 50e anniversaire de la création de l'Observatoire Européen Austral (ESO). L'ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 15 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est le partenaire européen d'ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L'ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d'un télescope européen géant (E-ELT pour European Extremely Large Telescope) de la classe des 40 mètres qui observera dans le visible et le proche infrarouge. L'E-ELT sera « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel ».

LES CHILIENS MANIFESTENT CONTRE LA PRIVATISATION DU LITHIUM

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MANUEL AHUMADA, LE VICE-PRESIDENT DE LA CONFÉDÉRATION DES SALARIÉS DU CUIVRE, DEMANDE LA RENATIONALISATION DE TOUTES LES RESSOURCES NATURELLES DU CHILI,  EN PARTICULIER UN MINERAI AUSSI IMPORTANT QUE LE LITHIUM. PHOTO ESTEBAN GARAY
« C’est une question de bon sens : on part du principe que les ressources naturelles et leurs bénéfices doivent revenir au pays dans lequel elles sont extraites. » Manuel Ahumada , le vice-president de la Confédération des salariés du cuivre, dénonce l’appel d’offres relatif aux reserves de lithium :

« C’est juste une manière de privatiser, estime-t-il, et presque de nous voler nos ressources naturelles, en particulier un minerai aussi important que le lithium, qui va voir son cours augmenter. Evidemment, ça n’obéit pas à une logique d’indépendance économique de notre pays. »

L’indépendance économique, il n’en est pas question : les entreprises étrangères qui extrairont le lithium devront reverser 7% de leurs bénéfices à l’Etat chilien.

Camila Vallejo, vice-présidente de la Fédération des étudiants de l’université du Chili, pointe du doigt ce manque à gagner : « pour financer notre réforme structurelle de l’éducation, nous avons besoin de moyens. Le gouvernement nous a toujours dit qu’il n’avait pas ces moyens. Or, ces ressources, elles existent. C’est juste que le gouvernement ne les utilise pas pour répondre aux besoins élémentaires du peuple chilien ».

Jusqu’à présent, environ 40 entreprises ont répondu à l’appel d’offres du gouvernement.

UNE LOI CONTRE LES DISCRIMINATIONS POUR SECOUER LES CONSERVATISMES

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DANIEL ZAMUDIO VERA. UNE PHOTO PRISE D'INTERNET.
Présentée en 2005 au Parlement, la loi n'a été approuvée qu'en mai 2012. Elle établit pour la première fois dans le droit chilien le concept de «discrimination arbitraire » en raison du sexe, de la religion, de la race ou de la condition sociale, et sanctionne les contrevenants d'amendes de 400 à 4000 dollars.
«Grâce au sacrifice de Daniel, aujourd'hui nous avons une nouvelle loi dont je suis sûr qu'elle va nous permettre d'affronter, prévenir et sanctionner les discriminations, qui provoquent tant de douleur  » , a déclaré le président Sebastian Piñera (droite), en promulguant le texte.
Des représentants des communautés juives, arabes, indigènes, des handicapés et les parents de Daniel Zamudio ont notamment assisté à la cérémonie.
« Je suis très fière que la loi soit parue et qu'elle porte son nom. Mon fils ne sera jamais oublié  » , a déclaré la mère de Daniel, Jacqueline Vera.
Selon le texte, la  «  discrimination arbitraire  »  est  «toute distinction, exclusion ou restriction effectuée sans justification raisonnable, par des agents de l'Etat ou des particuliers, et qui serait la cause de privation, perturbation ou menace à l'exercice légitime des droits fondamentaux  »  de chacun.

mardi 10 juillet 2012

PATAGONIE LE CHARBON DE LA COLÈRE

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LE SITE D'IMPLANTATION, DE LA MINE DE CHARBON GÉANTE À CIEL OUVERT DE« L'ÎLE RIESCO », AU CHILI. 

Le projet ? Une mine à ciel ouvert de 500 hectares, sur une grande île située à une cinquantaine de kilomètres de Punta Arenas. Le gouvernement chilien y a autorisé, en août, l'extraction future de 6 millions de tonnes de charbon par an, qui seraient exportées vers les mines du nord du Chili par un port à construire sur l'île Riesco.

Si Punta Arenas est loin de tout, l'île Riesco est loin de Punta Arenas. La piste qui y mène en s'éloignant du détroit de Magellan file vers une petite cordillère de montagnes aux sommets enneigés. On traverse des étendues arides parsemées d'une herbe dure, d'arbustes accrochés à la terre rocheuse, et de lengas - les hêtres de la Terre de Feu - aux cimes courbées par le vent. Les paysages paraissent infinis, et du ciel bleu clair aux nuages effilochés se déverse une lumière d'une netteté étincelante. Si la terre paraît vide d'hommes - quoique, de place en place, on croise des estancias, grandes fermes d'élevage de moutons -, les animaux abondent, et l'on observe avec émerveillement des ibis rouges, des ouettes de Magellan, des pétrels, des nandus (autruches de Patagonie), et jusqu'au vol d'un condor, glissant sereinement dans les sphères célestes.

« Quand je rencontrais les prospecteurs, entre 2007 et 2009, ils me disaient que ce serait une petite mine, cela ne m'inquiétait pas. C'est seulement quand le projet a été publié qu'on s'est rendu compte que ce serait énorme. » Gregor Stipicic a 32 ans. Après des études de médecine, ce jeune homme blond s'est installé sur l'île voici quatre ans, pour exploiter l'estancia qu'avait fondée son grand-père dans les années 1950. Une vie isolée, occupée du soin des quelque mille moutons paissant aux alentours, distraite par de longues lectures auprès du poêle à bois, et par la contemplation de la baie qui s'étend devant la maison. Peu de voisins, sinon les dauphins australs, qui viennent souvent folâtrer devant la plage de galets. En janvier 2010, quand le projet a été dévoilé officiellement, Gregor Stipicic s'est lancé dans la bataille contre ce qui lui paraissait le viol d'une nature presque intouchée, et une mauvaise affaire pour la région. Il a d'abord regroupé la dizaine de fermiers vivant - difficilement - sur l'île, avant de réussir à gagner à la cause des écologistes de Punta Arenas, puis de Santiago, la capitale.

Gregor Stipicic et ses amis du Front austral de défense écologique alignent les arguments. L'extraction du charbon menacerait la faune locale. Les vents très forts qui soufflent sur la Patagonie pourraient disperser les particules produites par l'exploitation vers les terres environnantes et vers la mer intérieure située entre Punta Arenas et l'île, provoquant pollution et contamination lente de la faune. Le charbon a un pouvoir calorifique faible (4 000 kilocalories par kg, au lieu de 6 000 pour un charbon colombien, par exemple), ce qui exigera d'en extraire davantage pour la même quantité d'énergie fournie. Il contient aussi plus de métaux lourds.

A quoi la compagnie répond avec assurance. « Nous n'occuperons que 0,5 % de la surface de l'île », dit Patricio Alvarado, directeur de l'environnement à Minera Isla Riesco (MIR), l'entreprise qui porte le projet, dans son bureau de Punta Arenas. « Les méthodes d'exploitation se feront en remettant dans le trou la terre enlevée lors de l'extraction du charbon. On plantera des arbres sur deux cents hectares, pour compenser les dommages. » Des serres ont déjà été installées, dans lesquelles grandissent plus de deux cent mille plantules de lengas. Quant au vent, « on a effectué des milliers de mesure sur trois stations météorologiques autour du site minier, dit Patricio Alvarado, on est certains de nos études, la mine ne générera pas de pollution sur Punta Arenas. »

Les arguments s'opposent, appuyés sur des expertises contradictoires. Le seul point sur lequel MIR ne sait que répondre est l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre entraînée par la combustion du charbon dans les centrales électriques. Les émissions du pays croissent déjà de 5 % par an depuis 1994 - un record en Amérique latine.

La compagnie fait plutôt miroiter les huit cents emplois que créeront la construction du port et l'exploitation de la mine. Elle aurait déjà reçu près de dix mille demandes d'embauche. Pourtant, la région connaît un taux de chômage faible, de 4,4 %. Mais les salaires promis sont attractifs, parce que, explique Elia Simeone, du quotidien local La Prensa Austral, « ici les gens sont pauvres, la vie est plus chère que dans le reste du pays, il faut faire venir de loin de nombreux produits ». 

Cependant, observe José Vera, un économiste basé à Punta Arenas, « les emplois créés ne résument pas l'intérêt économique du projet. Il faut aussi évaluer l'effet que cette mine pourrait avoir sur l'activité touristique. Notre région offre un environnement vierge, elle est plus belle que du côté argentin d'Ushuaia. Le tourisme génère déjà 12 000 emplois, et il pourrait se développer bien davantage. Sauf si notre région évoque le charbon et la pollution ».

Le débat renvoie au modèle de développement de la Patagonie, et sans doute du Chili : faut-il continuer à faire reposer l'économie sur l'exploitation des ressources naturelles ou imaginer un avenir fondé sur le respect d'un environnement unique et sur les énergies alternatives ? De fait, les deux députés et les deux sénateurs de la région de Magellan ont pris position contre le projet, et à Santiago, le président du Sénat lui-même, Guido Girardi, ne mâche pas ses mots : « La pointe du continent est un des endroits les plus purs, les plus préservés du monde. Y exploiter des mines de charbon est une imbécillité ! Le Chili a d'énormes possibilités en énergies renouvelables, qu'il faut exploiter. »

En effet, le désert d'Atacama, au nord du pays, est un des lieux les plus ensoleillés du monde, et l'on pourrait y développer des centrales solaires de grande capacité. De même, les ressources géothermiques de ce pays volcanique sont parmi les plus importantes de la planète. « Le gouvernement ne veut pas tester des techniques, il veut être sûr que cela marche, et donc reproduire ce qui peut se faire ailleurs », explique un fonctionnaire du ministère de l'énergie qui veut rester anonyme. « Mais ces techniques sont bien connues, s'exclame Guido Girardi, et le coût de l'énergie solaire diminue d'année en année ! » De surcroît, le potentiel d'économies d'énergie est très important dans un pays où les maisons sont très mal isolées.

En fait, la lutte autour du projet de l'île Riesco est une expression supplémentaire de l'ébranlement de la société chilienne depuis le début de 2011. C'est de Punta Arenas, d'ailleurs, que le mouvement était parti : en janvier, des manifestations massives s'y sont produites contre l'augmentation du prix du gaz. Puis, en avril, 80 000 personnes ont manifesté à Santiago contre des projets de barrages en Patagonie, avant qu'en mai commence un mouvement des étudiants contre le prix très élevé de l'enseignement supérieur.

Ce qui est en jeu, maintenant, c'est la contestation du modèle ultralibéral mise en place depuis le coup d'Etat du 11 septembre 1973 et resté en place après le retour de la démocratie, voici vingt ans. 

De nombreux secteurs de l'économie ont été privatisés. « Il s'est produit une concentration énorme du pouvoir et des richesses, dans la banque, le commerce, les médias et les mines, observe, à Santiago, l'économiste Andrés Solimano. Cela explique le mécontentement actuel. »

Le projet de l'île Riesco est symptomatique de ce malaise. MIR est une filiale de deux compagnies, Ultramar et Copec, une société dont le président de la République, Sebastian Piñera, milliardaire, détient 1,3 % du capital, et sa femme d'autres parts, pour un montant inconnu. Le charbon alimenterait des centrales électriques pour fournir du courant aux entreprises qui exploitent le cuivre dans le nord. Mais celles-ci sont aux trois quarts des sociétés étrangères. « Le projet charbonnier n'est pas dans l'intérêt de la nation, juge Hernan Sandoval, le président de l'association écologiste Chile Ambiente. Il servira aux entreprises minières, qui créent peu d'emplois, paient peu d'impôts, et exportent leurs bénéfices. » Les écologistes de Punta Arenas ont déposé un recours en justice. Ils espèrent que celle-ci décidera que des études plus approfondies sont nécessaires. Pour être sûrs que le charbon ne salira pas la Patagonie.

Hervé Kempf