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vendredi 4 mai 2012

SARKOZY, C'EST TA FRIVOLITÉ QUI TE PERDRA !

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NICOLAS SARKOZY. PHOTO WILSON DIAS 
L'“hyperprésident” avait promis de rajeunir la vie politique française, de laisser derrière lui le gaullisme, d'insuffler “américanisation et modernité” à la droite française traditionnelle et à l'Etat. Jusqu'à présent, il n'a rien réussi de semblable. Même si sa gestion a obtenu des succès, son principal problème a été ce que le philosophe Raymond Aron avait reproché à l'autre président qui n'a pas été réélu, Valéry Giscard d'Estaing. “Président, vous manquez du sens tragique [de l'Histoire]”, lui avait-t-il lancé. Chez Sarkozy, ç'a été encore plus flagrant. Malgré ses qualités d'homme d'action, il a été frivole. Une fois qu'il s'est rendu compte de l'évidence de son défaut, il a réagi comme le font les frivoles : il s'est enfermé “en privé” pour regarder des films d'art et d'essai (rien moins que Dreyer), il se vantait de lire Dostoïevski et il s'est mis à fréquenter les connaissances du monde de la culture de son épouse, Carla Bruni.

Il ne maitrise plus son ordre du jour

Depuis qu'il s'est lancé en politique, Sarkozy a tranché par son style direct, par sa capacité à défier ses adversaires et à aller à contre-courant s'il le faut. Ajoutez à cela que personne ne doute de son intelligence ni de son habilité. Mais alors, me direz-vous, son manque d'idées et de culture n'a guère d'importance ! Eh bien, si. D'une part, la France est l'un des pays d'Europe qui a toujours attaché le plus d'importance à cet aspect chez ses gouvernants ; d'autre part, plus généralement, celui qui manque de culture peut avoir l'esprit d'initiative, mais il n'aura pas d'idées qui donnent un contenu à son action politique. La culture entraîne la capacité à affronter la complexité de la société.

Devant son incapacité à définir une vision d'avenir pour la nation, Sarkozy, a dû recourir de plus en plus aux idées d'autrui. Aujourd'hui, intellectuellement, il n'est plus que l'ombre de son conseiller Patrick Buisson. C'est ce dernier, intellectuel enraciné dans la droite dure, qui définit aujourd'hui l'ordre du jour du sarkozysme.

S'il perd, comme tout semble l'indiquer (même si un miracle final peut toujours se produire), ce sera davantage à cause de sa frivolité que des vertus de son très terne et médiocre adversaire.

La culture du management plutôt que celle de la politique

Pour sa part, notre droite, qui par la voix de Joaquín Lavín [ministre du Plan] et de Piñera a clamé son admiration pour Sarkozy, voue un certain mépris à la politique, à laquelle elle tente de substituer l'action de la technique. Depuis l'expérience malheureuse de gouvernement “administrativo-technique” de Jorge Alessandri [Président de 1958 à 1964] jusqu'à “Piñera, la nouvelle manière de gouverner”, en passant par “Büchi [ministre des Finances de 1985 à 1989] est notre homme” et “Lavín [actuel ministre de l'Education], vive le changement”, ils ont voulu remplacer la politique par la technique et le marketing.

Dans cette optique, leur nouvelle fascination pour le ministre des Travaux publics n'a rien d'étonnant. Laurence Golborne est le Chilien de droite par excellence. Son activisme, son parcours atypique, son côté sympa avec sa guitare, son esprit d'entreprise, tels sont les succédanés de son manque de culture politique. C'est la poursuite de la culture du management par d'autres moyens. Dans ce milieu, il paraît donc presque naturel, ou du moins pas du tout bizarre, de passer du monde du marketing à la Moneda [siège de la présidence]. L'esprit de management et la volonté de technification de la politique revêtent pour la droite chilienne un caractère idéologique.

Sarkozy, héritier d'une tradition politique parmi les plus riches qui existent, n'a pas pu échapper à la tragédie de la frivolité. La droite a obtenu plus de voix que la gauche, mais les anticorps produits par l'antisarkozysme paraissent les plus forts.