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mardi 8 février 2011

Chili: dans la mine du Diable, les estivants chiliens se rejouent "les 33"

Des touristes visitent la mine "Chiflon del Diablo", le 7 février 2011. photo afp
Les galeries visitées ne sont qu'à 50 mètres sous terre, loin des 600 m auxquels "les 33" restèrent prisonniers 90 jours. Mais la lente descente des touristes par petits groupes, dans une cage métallique pas si éloignée de celle qui sauva les miraculés de San Jose, reste un moment d'émotion.
"Ils ont dû se sentir comme ça", souffle un des passagers équipés d'un casque et d'une batterie accrochée à la ceinture pour leur lanterne, alors que le monte-charge s'enfonce dans l'osbcurité et l'humidité.
Venus de Santiago, mais aussi d'Allemagne, les "mineurs d'un jour" en bermudas et sandales se baissent, s'arc-boutent entre les chevalements de madrier, dans les boyaux réduits a peine plus d'un mètre de haut. Et essayent d'imaginer les risques.
Le mineur et guide de "Chiflon del Diablo", Roberto Roja, le 7 février 2011.  photo afp
Roberto Rojas, ancien mineur local reconverti en guide, désigne une vieille cage rouillée qui pend dans la galerie: "C'est la cage d'un petit oiseau, qui servait à détecter la présence de grisou, le gaz inodore et mortel".
"Si l'oiseau tombait raide mort, on criait +Grisou !+ et tout le monde se précipitait vers la sortie", raconte Rojas, qui tient en main un méthanomètre, la version moderne du canari des mines.
Car à la différence de San José (nord), la mine de cuivre et d'or devenue en octobre la plus médiatisée au monde, Lota, sur le littoral à 500 km au sud de Santiago, était une des mines de charbon du Chili qui ont peu à peu fermé. Dans son cas en 1997, après 113 ans d'exploitation.
Avec ses galeries courant sous l'Océan Pacifique jusqu'à 600 m de profondeur le Chiflon del Diablo (sifflement du diable) doit son nom au vent marin qui pénétrait en sifflant jusque dans les galeries.
Les touristes découvrent le quotidien des mineurs: les veines de charbon, l'organisation dans un espace restreint avec le coin pour manger, les toilettes improvisées dans un recoin, des bidons d'eau et de la chaux vive.
Point d'orgue de la visite, ils s'imprègnent du silence souterrain, quand le guide les invite à éteindre les lanternes pendant une minute pesante, pour sentir la mine.
Certains retrouvent au passage un peu de leur passé, minier comme l'histoire du Chili. "Je ne m'imaginais pas que c'était si dur, quand mon pauvre papa y travaillait", confesse Masiel Soto, dont le père quitta la mine après avoir perdu ses doigts dans un accident.
Dans des familles où l'on était mineur de père en fils, on descendait jadis les enfants dès 8 ans, pour les habituer, et parfois en les attachant avec une corde pour qu'ils ne s'échappent pas, assure Rojas. "Mais qui entrait à la mine apprenait à l'aimer".
Vidée des 3.000 mineurs qu'elle compta au plus fort de son activité, le "Chiflon" connaît encore des tribulations.
Elle a été ébranlée par le séisme de février 2010, mais réhabilitée depuis.
En novembre, elle a été "occupée" par 33 femmes, s'inspirant des mineurs de San José. Elles y ont mené une brève grève de la faim souterraine pour réclamer de l'Etat une aide prolongée à l'emploi dans les zones sinistrées par le tremblement de terre.
Mais pour les mineurs devenus guides, ou vendeurs de souvenirs à la sortie, tel Miguel Reyes, le Chiflon n'a pas dit son dernier mot, dans un Chili qui cherche à diversifier son énergie, et pourrait redécouvrir le charbon à la faveur de technologies plus propres. "Or ici, il y en a pour 500 ans !"