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mardi 31 août 2010

Dans les petites mines du Chili, la précarité et l'insécurité

Des mineurs allument des mèches reliées à des explosifs, dans la mine de San Javier, le 27 août 2010 près de Copiapo, au Chili. Photo AFP
Juan Carlos et ses compagnons travaillent dans une petite mine chilienne à Tierra Amarilla, à 700 kilomètres au nord de Santiago.
Ce sont des « pirquineros », des mineurs au statut précaire employés dans de petites unités indépendantes, louées par leurs propriétaires à des exploitants qui à leur tour recrutent les employés. Certains travaillent dans la légalité, comme ici dans la mine San Javier, dûment enregistrée. D'autres sont employés illégalement. Leur production est faible et leur sécurité dépend surtout d'eux-mêmes.
Aussi, la charge que vient de faire exploser Juan Carlos ne sert pas seulement à débusquer le cuivre. Car à San Javier, le drame vécu par les 33 mineurs de San Jose, bloqués depuis le 5 août à 700 mètres sous terre, fait réfléchir.
"A la lumière de ce qui s'est passé à San Jose, on est aussi en train de percer un troisième conduit de sortie", explique Juan Carlos, mineur depuis 1980. "On ne produit pas beaucoup ici. On travaille davantage pour survivre".
Après l'explosion, les mineurs s'engouffrent dans la galerie, dégagent les pierres qui encombrent les parois pour la sécuriser, avant d'extraire le minerai avec des perceuses ou seulement à mains nues.
Légaux ou pas, tous ont en commun de travailler la mine à la force du poignet, à la seule lueur des lanternes fixées sur leurs casques, sans les machines dans lesquelles peuvent investir les grands groupes miniers. Et sans la batterie de normes de sécurité.
"C'est une petite mine, notre chef est locataire. Elle produit du bon cuivre, mais en petite quantité. Nous on le sélectionne, on l'apprête, et il est prêt pour la fonderie", raconte Sergio Cisternas, chargé de la sélection des roches.
"Avec 35 explosions, on sort en moyenne 60 tonnes de matériau par jour", explique Cristian, un autre mineur. Pour un tel volume, ils perçoivent 1.200 dollars (939 euros), 3,5 fois le salaire mensuel minimum, qui ferait d'eux des hommes riches si le revenu était régulier.
Le minerai est ensuite vendu par l'exploitant de la mine à une fonderie, propriété de la compagnie d'Etat Enami.
Réputés endurants, capables de se faufiler avec aisance dans les galeries, des "pirquineros" ont proposé leur aide aux secouristes de San Jose, demandant à essayer de parvenir jusqu'aux 33 mineurs bloqués sous terre.
"Une fois là-bas, on saurait quoi faire. Il faudrait avancer le plus légèrement possible, s'il le faut en rampant", a expliqué un de leurs représentants, Juan Ramirez.
"Je comprends la proposition. Les « pirquineros » sont des gens très aguerris", a répondu Miguel Fort, un ingénieur coordonnant les travaux qui prendront trois à quatre mois avec le percement d'un tunnel. Mais il a jugé l'entreprise trop risquée. "L'objectif est de secourir 33 mineurs, pas de devoir en secourir deux ou trois de plus", leur a-t-il dit.
A l'extérieur de San Javier, une grappe d'hommes plus âgés, d'anciens mineurs, s'affairent autour des débris. Ce sont les recycleurs, qui traquent dans les roches délaissées un peu de minerai à récupérer et à revendre.
"C'est comme ça que je gagne ma croûte. On ne me donne plus de travail", raconte David Leon, 65 ans, en triant les pierres, dont il arrive dans le meilleur des cas à tirer 300 dollars par mois.
"J'ai travaillé autrefois à San Jose, mais je suis parti à cause du danger", dit-il. "J'avais conseillé à des collègues de ne pas y aller. Mon cousin Jorge Galleguillos est bloqué là-bas".