Catégorie

lundi 7 juin 2010

Des planètes tournant à l'envers interrogent les chercheurs

L'observation du ciel offre parfois des surprises. Il y a deux mois, la découverte de six nouvelles planètes hors du système solaire (des exoplanètes) tournant autour de leur étoile dans le sens inverse à l'accoutumée, a donné le mal de tête à bon nombre d'astronomes, en contredisant ce qu'ils savaient de leur formation. « Les observations que nous avons faites ont réellement défié la pensée conventionnelle», explique Andrew Cameron, qui a dirigé la campagne de mesures à l'origine de la découverte grâce au spectrographe Harps de l'Agence spatiale européenne, installé à l'observatoire de La Silla au Chili.
Selon les lois de la physique, les planètes n'ont en effet aucune raison de ne pas suivre le sens de rotation de leur étoile. Une bonne raison à cela : elles en sont issues. Elles se forment dans le nuage de poussières et de gaz riches en éléments lourds qui gravitent autour du noyau solaire, s'agglomèrent, s'entrechoquent en orbites circulaires, pendant des millions d'années, dans le même sens, jusqu'à former un système solaire comme le nôtre.
Or, le 13 avril dernier, les mesures de l'équipe helvético-britannique ont littéralement balayées ces certitudes. « Nous lançons une véritable bombe dans le champ des exoplanètes », avait même déclaré le codécouvreur suisse des planètes excentriques Amaury Triaud dans un communiqué de l'Agence spatiale européenne spéculant sur « le retournement des théories de la formation planétaires ».
Nouvelles hypothèses
En étudiant précisément les 454 exoplanètes connues, l'équipe a en effet constaté que les orbites de plus de la moitié d'entre elles n'étaient pas alignées avec l'axe de rotation de leurs étoiles, et que six parmi les neuf dernières planètes découvertes hors de notre système solaire avaient même un mouvement inverse. « L'une tourne carrément sur un axe perpendiculaire à l'étoile, s'étonne Claire Moutou, l'une des spécialistes françaises des exoplanètes installée au Laboratoire d'astronomie de Marseille. Dès le lendemain de l'annonce des résultats, les théoriciens ont passé en revue les modèles et remis de vieilles hypothèses au goût du jour. »
Leur objectif : trouver une explication acceptable des lois connues de la physique, au risque sinon d'avoir à remettre en cause des équations aussi fondamentales que la conservation du mouvement angulaire.
Quantités de nouvelles hypothèses ont donc été émises ces deux derniers mois. On a d'abord pensé à des perturbations héritées d'un lent processus d'évolution opposant des forces gravitationnelles qui finiraient par propulser une planète géante sur une orbite allongée et inclinée. Elle subirait alors ce que les astronomes appellent les « effets de marées », perdant de l'énergie à chaque fois qu'elle s'approche de son étoile pour finalement se retrouver, plusieurs millions d'années plus tard, sur une orbite proche de son étoile et pratiquement circulaire avec une inclinaison aléatoire. « Difficile de croire que ce phénomène puisse se répéter à la fréquence élevée que supposent le nombre d'observations », critique Claire Moutou.
En revanche, les astrophysiciens savent de façon certaine que plus de la moitié des étoiles vivent en binôme, ce qui pourrait être probablement le cas des systèmes excentriques qui ont été découverts. « La présence d'une seconde masse gravitationnelle importante dans le périmètre de l'étoile principale peut expliquer des perturbations sur l'orbite des planètes du système », avance Claire Moutou.
Cette explication a un avantage : elle permet de valider une théorie émise en 1962 par l'astronome Yoshihide Kozai. Le mécanisme qu'il décrit émet l'hypothèse que l'influence d'un corps céleste peut être telle qu'elle provoque un effet de résonance capable de modifier l'ellipse et l'inclinaison de l'orbite. Cette influence expliquerait par exemple comment certaines comètes peuvent être délogées de leur orbite solaire par un événement gravitationnel tel qu'un alignement planétaire.
Reste à prouver que cette intuition explique aussi l'influence croisée des étoiles binaires. Statistiquement, un quart des étoiles dans le ciel seraient effectivement doubles. Pour s'en assurer, il faudra attendre des optiques suffisamment puissantes pour distinguer dans le cosmos deux points lumineux proches confondus dans l'éclat de leur lumière.
PAUL MOLGA, Les Echos