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lundi 31 mai 2010

Un cassoulet à la mode chilienne

Votre serviteur a déjà évoqué sa passion, son profond amour pour les haricots secs à la chilienne, et son année d’internat au collège de La Serena, lorsqu’il était presque un adolescent. Dans ce collège dont la cuisine était régentée par un économe modeste, surnommé par tous les imberbes “El Mono” [le Singe] Santana, et dont le professeur de littérature était une gloire des lettres chiliennes, Alfonso Calderón [Prix national de littérature en 1998], on avait, chaque jour de l’année, deux plats au déjeuner : un plat principal quelconque, de la terrine, du poisson en sauce, du poulet, des pâtes ou de la “semelle” (une tranche de rôti de bœuf) servie avec de la purée ; et, en entrée, chaque jour de la semaine, les haricots à la chilienne les plus moelleux, les plus harmonieux et les plus crémeux que l’on puisse imaginer. Sans saucisse, ni chorizo, ni rien, mais délicieux. Servis dans une petite assiette, mais en quantité suffisante, nourrissants, exquis.

Ma patrie est le lieu où j’ai passé mon enfance”, disait l’admirable écrivain espagnol Manuel Vázquez Montalbán. Ma patrie, ce sont aussi les choses que je mangeais avec le plus de plaisir quand j’étais enfant : les haricots, que je continue à adorer et dont je me suis régalé à trois reprises la semaine dernière dans un restaurant français appelé Baco, situé dans la rue Nueva de Lyon, entre les avenues Providencia et Costanera. Bien entendu, c’étaient des haricots à la mode française, petits et blancs, accompagnés d’une saucisse rose clair et d’une cuisse de confit de canard, venus du versant nord des Pyrénées, plus précisément de Castelnaudary, de la ville fortifiée de Carcassonne et de Toulouse. Le cassoulet est plutôt un plat hivernal, plein de calories, très énergétique et idéal par les jours de grand froid, à arroser d’un bon vin rouge et à couronner d’un “trou gascon”, nommé ainsi parce qu’on dirait que l’armagnac, une eau-de-vie aussi délicieuse que brûlante, ouvre une cheminée de la gorge à l’estomac.

Frédéric Le Baux, l’exigeant patron du Baco, a passé tout l’hiver à mettre au point cette spécialité du sud de la France. Pour avoir exactement les ingrédients qu’il voulait, il a dû importer du confit de canard et des saucisses de France, et écumer tout le Chili à la recherche de haricots petits et blancs. La recette a été testée et perfectionnée jusqu’à ce qu’il la juge satisfaisante. Amoureux des haricots que je suis – et plus encore avec de la saucisse et une cuisse de canard confite dans sa graisse –, je l’ai trouvée si bonne que j’en ai perdu toute mesure et que, comme je l’ai dit plus haut, j’ai pris du cassoulet trois fois en quatre jours au déjeuner. Aujourd’hui, je suis à moitié au régime, mais je peux vous donner la bonne nouvelle : le cassoulet du Baco est sensationnel et il y en a tous les jours. Il faut profiter de cette première, bien que beaucoup de Chiliens ne sachent pas que les Français mangent des haricots.