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lundi 21 septembre 2009

Ce cuivre qui valait de l’or pour l’armée

La présidente du Chili, Michelle Bachelet, vient de signer un projet de loi visant à abroger la loi sur le cuivre, héritée de la dictature militaire d’Augusto Pinochet (1973-1990). Grâce à cette loi promulguée en 1976, l’achat d’armes en était venu à occuper une place privilégiée dans les dépenses de l’Etat chilien car, selon ses dispositions, les forces armées se voyaient réserver chaque année 10 % des recettes de la société d’Etat CODELCO, premier producteur mondial de cuivre, afin de se procurer du matériel. Pour la première fois depuis le retour de la démocratie, en 1990, ce régime spécial pourrait changer. Le budget de la défense serait soumis à une négociation parlementaire comme celui de n’importe quel autre ministère. “On en finit ainsi avec une zone de non-transparence pour le Congrès”, a souligné la présidence en signant le projet de loi, qui doit être soumis aux députés dans les prochains jours.

L’abrogation de la loi sur le cuivre aura deux effets immédiats. D’une part, elle assurera une meilleure transparence en matière de dépenses militaires. “Une fois le projet de loi adopté, nous aurons un système de financement moderne pour la défense nationale”, a assuré Michelle Bachelet. D’autre part, en ce qui concerne l’acquisition d’armes, les militaires n’auront plus un budget qui augmente automatiquement, au gré des possibles envolées des cours du cuivre.

Le nouveau montant qui sera destiné aux achats d’armes n’est pas encore défini. Toutefois, il est clair que cette somme sera désormais négociée. Compte tenu des variations des cours de ce minerai durant les dernières années, les militaires chiliens ont reçu en moyenne plus de 1 milliard de dollars [688 millions d’euros] par an pour l’achat et l’entretien de leur matériel de guerre. Depuis que la présidente socialiste a pris ses fonctions, en mars 2006, l’armée a reçu au total 4,2 milliards de dollars.

Au-delà du nouveau cadre juridique, il est peu probable que la somme allouée à l’armée diminue de manière importante. Les militaires cherchent à tout prix à éviter de revenir aux seuils de dépenses d’avant le coup d’Etat de 1973, à l’époque où celles-ci étaient faibles. L’armée aurait exercé des pressions pour parer à cette éventualité.

La popularité de la présidente est au sommet

En outre, au Chili, il existe une deuxième loi de la dictature destinée à garantir les ressources de l’armée. Ce texte stipule que, pour les frais de fonctionnement et les salaires – donc pour tout ce qui n’est pas achats et entretien de l’armement –, l’enveloppe budgétaire ne peut être inférieure à ce qu’elle a été en 1989, la dernière année de la dictature. Résultat, l’initiative présidentielle prévoit certaines garanties. Au minimum, le prochain plan de financement pour l’armée sera étalé sur douze années, mais avec des cycles de quatre ans correspondant aux mandats présidentiels, afin de permettre des réévaluations périodiques des priorités. Le gouvernement a d’ores et déjà négocié avec les militaires. “La planification stratégique sur douze ans, avec un financement revu tous les quatre ans, nous paraît une bonne chose”, assure Oscar Izurieta, commandant en chef de l’armée chilienne. C’est en juin 2006, trois mois après la formation de son gouvernement, que la présidente a manifesté pour la première fois son intention de modifier cette loi. A ce moment-là, elle n’avait pas obtenu de consensus. A en croire la presse locale, les différends sur les frontières maritimes avec le Pérou auraient ensuite empêché de trouver le moment propice. Le mandat de Michelle Bachelet prend fin dans quelques mois. L’élection présidentielle a lieu en décembre, et la droite est favorite. Toutefois, la popularité de la présidente n’a jamais été aussi forte. Avec 73 % d’opinions favorables, elle dispose du plus haut score jamais atteint dans l’histoire chilienne par un président. Voilà pourquoi Michelle Bachelet a estimé que le moment était venu de lancer cette initiative.