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jeudi 23 juillet 2009

Du vin bu, des bouteilles descendues, je n'ai rien vu...

Il arpentait les vignes du Carmen dans la vallée de Maipo, quand il remarqua des pieds de Merlot différents, il venait de redécouvrir le Carmenère un cépage que l’on croyait disparu à jamais depuis l’épidémie de phylloxéra. Je me suis aussi souvenue de cet ami peintre chilien exilé à Barcelone, je l’ai perdu de vue mais une de ses peintures me suit dans mes déménagements, elle est là accrochée dans l’entrée.

Pour accompagner le poisson grillé, un vin blanc portugais, choisi pour sa couleur si pâle et sa bouteille légèrement bleutée, je me suis souvenue en avoir bu raisonnablement à Lisbonne par une belle et claire journée d’automne.
Pour accompagner le fromage, un vieux Bordeaux qu’un vieux copain nous avait offert.
Je ne voyais que hasard dans mes choix, là où chaque bouteille se trouve liée à un souvenir ému, un moment paisible, une amitié fidèle.

Le déjeuner s’étire jusqu’à la fin de la journée, je débarrasse, range, fait la vaisselle et je réalise que du vin bu, des bouteilles descendues, je n’ai rien vu. Étrange cécité. Ce qui m’a obsédé, corps et âme aliénés a disparu laissant place à une indifférence étonnée.

Dès ma sortie de cure, la question s’est posée ou plutôt a été posée par mon mari. Doit-on proposer du vin aux invités? Il était contre, moi je suis pour. Je serai même vexée si invitée, mon hôte par égard pour mes déboires, ne proposait aux convives que des jus de fruits.

Pourquoi priver du plaisir de boire un bon vin ceux qui peuvent l’apprécier et savourer une douce ivresse?