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jeudi 4 décembre 2008

Feu nourri sur les compagnies minières canadiennes

"La procédure ouverte au Québec à notre encontre par la Barrick Gold", ont indiqué les auteurs dans les colonnes du Devoir, le quotidien indépendant de Montréal, "fait peser sur nous des frais considérables, exige beaucoup de notre temps, comporte des demandes de documents qui portent atteinte à notre vie privée et contribue à nous diffamer, sans parler des 6 millions de dollars canadiens [3,8 millions d’euros] qu’on nous réclame. Quant à la procédure ouverte par Banro dans l’Ontario pour nous réclamer 5 millions de dollars [3,2 millions d’euros], elle va jusqu’à nous dénier de nous défendre si nous ne consignons pas à l’avance ce qu’elle estime être les frais de cour que nous lui devrions dans l’éventualité où nous perdrions. De quoi nous pousser, notre éditeur et nous, illico à la faillite." Le ministre de la Justice québécois, Jacques Dupuis, a d’ailleurs réagi en déposant un projet de loi visant à prohiber ces "poursuites-bâillons".
Dans La Presse, le chroniqueur Patrick Lagacé réagit à ce plaidoyer en notant que le livre pêche parfois par imprécision. Le texte se fonde sur des documents déjà publiés : des rapports d’ONG et de groupes de pression, par exemple. Or les citations ne sont pas toujours très bien référencées. Pis, Noir Canada serait “écrit avec la passion du militant” et “truffé de raccourcis”. Mais le chroniqueur de La Presse n’hésite pas à saluer la salubrité de l’attaque. Car le livre montre bien que le Canada est devenu un “paradis judiciaire” pour les sociétés minières, qui “peuvent agir immodérément à l’étranger sans être soumises chez elles à quelque forme de contrôle que ce soit”.
Autre attaque en règle contre les ­multi­nationales canadiennes, le documentaire Mirages d’un Eldorado, du Québécois ­Martin Frigon, qui a obtenu le Grand Prix du Festival international du film d’environnement, à Paris, le 25 novembre. Long de soixante-quinze minutes, ce film tourné dans la région d’Atacama, dans le nord du Chili, met en évidence l’action dévastatrice des compagnies minières sur un écosystème fragile. Le film se présente comme un ­"western engagé" – de la propre bouche de son auteur – opposant des habitants de la communauté agricole de la vallée de Huasco aux géants miniers Barrick Gold et Noranda, ce dernier étant aujourd’hui incorporé à la compagnie suisse Xstrata. Le combat se mène à plus de 4 000 mètres d’altitude, au cœur de la cordillère des Andes, dans un panorama somptueux auquel les images font la part belle. Quant aux victimes des multinationales – des travailleurs venus de loin, mais aussi des Indiens et des métis –, elles font preuve, dans le film, d’un comportement calme et pacifique qui dément l’image rétrograde et arriérée que la Barrick cherche à donner d’elles. L’enquête et les images de Martin Frigon montrent en tout cas qu’il existe un abîme entre le discours du gouvernement canadien et ce qu’il tolère – au minimum passivement – en matière ­d’environnement.