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jeudi 6 octobre 2016

RAUL EDUARDO ITURRIAGA NEUMANN


FAITS

Raul Eduardo Iturriaga Neumann est né le 23 janvier 1938 à Linares au Chili. Il est marié. Formé à l’Ecole militaire des Amériques au Panama (Escuela de los Americas), il devient instructeur en stratégie de contre-insurrection avant d’intégrer, en 1973, après le Coup d’État contre le gouvernement de Salvador Allende, la Direction nationale du renseignement au Chili (DINA) en tant que premier responsable du département extérieur.
Iturriaga Neumann est alors responsable de l’opération Colombo, campagne de disparition d’opposants chiliens en Argentine et au Brésil et est impliqué notamment dans l’assassinat du Général Prats et de son épouse en septembre 1974 à Buenos Aires. Il est impliqué également dans la disparition de Jean-Yves Claudet. J. Y. Claudet était un adhérent du Movimiento Izquierda Revolucionaria (Mouvement de la Gauche Révolutionnaire –MIR) lors du Coup d’État de 1973. Arrêté et détenu à deux reprises en 1973, il est transféré en France après sa libération. Fin 1975, le MIR choisit d’installer son centre d’opération en Argentine. Jean-Yves Claudet se rend alors à Buenos Aires le 30 octobre 1975. Il est interpellé le 1er novembre 1975 par les agents de la police secrète argentine (SIE) et arrêté. Il est alors remis à la DINA dans le cadre de l’opération Condor, une coalition entre les militaires des Amériques du Sud (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Paraguay, et Uruguay), qui vise à faire disparaître les opposants à la dictature. Il n’a jamais été revu. Dans un mémorandum de la DINA à Buenos Aires, il est fait état que Jean- Yves Claudet « n’existe plus ».

En 1977, R .E. Iturriaga Neumann occupe le poste de sous-directeur du renseignement au quartier général de la DINA. Il est ensuite nommé au département économique, chargé du contrôle des entreprises de la DINA. Il obtient le grade de général des forces armées en 1989. Il prend officiellement sa retraite de l’armée deux ans plus tard. Cette même année, il est interrogé sur sa participation dans l’assassinat à Washington en 1976 d’Orlando Letelier, ancien ministre d’Allende.

PROCÉDURE LÉGALE

En 1977, R .E. Iturriaga Neumann occupe le poste de sous-directeur du renseignement au quartier général de la DINA. Il est ensuite nommé au département économique, chargé du contrôle des entreprises de la DINA. Il obtient le grade de général des forces armées en 1989. Il prend officiellement sa retraite de l’armée deux ans plus tard. Cette même année, il est interrogé sur sa participation dans l’assassinat à Washington en 1976 d’Orlando Letelier, ancien ministre d’Allende.

En 1995, il est condamné par contumace à 18 ans de prison par la justice italienne pour la tentative d’assassinat contre Bernardo Leighton, opposant chrétien-démocrate chilien et son épouse à Rome en 1975. En 2002, R.E. Iturriaga Neumann est poursuivi pour la disparition en 1974 de Victor Olea Alegria, opposant socialiste.

En 2003, il est inculpé par la justice chilienne pour le meurtre du Général Prats. En 2007, il est condamné à 5 ans de prison pour la disparition forcée d’un militant du MIR, Luis Dagoberto San Martin. Il décide alors de fuir la justice. Il est capturé en août 2007 par la police chilienne à Viña del Mar.

Raul Iturriaga Neumman est alors incarcéré à la prison Penal Cordillera dans la région de Valparaiso et ensuite transféré à Punta Peuco le 6 août 2007. La même année, il est inculpé par la justice française pour la disparition de Jean-Yves Claudet en 1975.

En octobre 1998, suite à l’arrestation du Général Augusto Pinochet, les familles de neufs ressortissants français disparus ou exécutés au Chili entre le 11 septembre 1973 et le 9 février 1977, déposent plainte contre les autorités chiliennes devant la justice française. Seules les plaintes avec constitutions de parties civiles de quatre familles sont déclarées recevables dont celle de la famille de Jean-Yves Claudet en raison du caractère continu du crime de disparition forcée qualifié en droit français de crime d’arrestation et de séquestration aggravées de torture et d’actes de barbarie.

Le 30 octobre 1998, l’instruction est ouverte par le Juge Le Loire. Le mandat d’arrêt contre Raul Eduardo Iturriaga Neumann est délivré le 24 mai 2005.

L’ordonnance de mise en accusation devant la Cour d’Assisses est rendue le 21 février 2007 par le Juge Sophie Clément, clôturant ainsi l’instruction. Raul Eduardo Iturriaga Neumann est accusé de complicité d’arrestation, enlèvement, séquestration, ou détention arbitraire avec torture ou acte de barbarie.

Initialement prévu en mai 2008, le procès s’est tenu devant la Cour d’Assises de Paris du 8 décembre au 17 décembre 2010. 19 responsables chiliens sont mis en accusation : Juan Manuel Contreras Sepulveda, Herman Julio Brady Roche, Pedro Octavio Espinoza Bravo, José Osvaldo Riveiro, Marcelo Luis Moren Brito, Miguel Krasnoff Martchenko, Rafael Francisco Ahumada Valderrama, Gerardo Ernesto Godoy Garcia, Basclay Humberto Zapata Reyes, Enrique Lautaro Arranciabia Clavel, Luis Joachim Ramirez Pineda, José Octavio Zara Holger, Emilio Sandoval Poo.

Cinq des accusés sont morts avant l’ouverture du procès : Augusto Pinochet, Javier Secundo Emilio Palacios Ruhmann, Osvaldo Romo Mena, Rigoberto Pacheco Cardenas et Paul Schaeffer.

Iturriaga Neumann, en prison au Chili, n’est pas présent au procès. Le procureur général a requis 15 ans de réclusion contre Raul Eduardo Iturriaga Neumann. Le 17 décembre 2010, il est déclaré coupable d’avoir provoqué sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi à l’arrestation, la détention et la séquestration de Jean Yves Claudet avec cette circonstance que les faits ont été précédés ou accompagnés de tortures. Il est condamné, dans le cadre de la procédure de défaut criminel, à 25 ans de prison.

CONTEXTE

Augusto Pinochet, qui était au pouvoir au Chili pendant 17 ans, incarnait aux yeux du grand public le tyran le plus impitoyable de tous les temps. Du 11 septembre 1973 au 10 mars 1990, un mouvement de défense des droits de l’homme a souligné la pratique systématique du terrorisme d’État pendant la dictature militaire au Chili.

Quand les forces militaires se sont emparées du pouvoir le 11 septembre 1973, elles fermèrent le Congrès national et créèrent un pouvoir exécutif tout puissant investi du pouvoir législatif. Seul le pouvoir judiciaire n’était pas directement contrôlé, privilège qui s’explique par le besoin pour le régime militaire de maintenir une façade de légalité.

Les juges de la Cour Suprême étaient prêts à légitimer, sans réserve, le régime à travers des actes symboliques, des discours publics et des résolutions. A la fin du mois de septembre 1973, quand des milliers de personnes étaient toujours emprisonnées dans des stades ou ailleurs, les quatre membres dirigeants de la junte se rendirent dans les locaux de la Cour Suprême où son président reconnut formellement leur autorité, exprimant ainsi sa satisfaction face au changement de gouvernement.

Dès le début de la dictature, des avocats Chiliens se mobilisèrent pour demander le respect des droits fondamentaux, malgré l’existence d’une structure judiciaire qui acceptait que le régime militaire bafoue ces droits. Les premières demandes d’habeas corpus, pour des cas de détentions arbitraires, ont été déposées dans les jours qui suivirent le coup d’État et en octobre, l’Archidiocèse de Santiago créa le comité interconfessionnel Pro Paz. Ensuite, les avocats du Vicariat de la Solidarité, la Fondation d’aide sociale chrétienne (FASIC) et le Comité pour la défense du peuple chrétien et l’aide sociale (Codepu), continuèrent de dénoncer les violations des droits de l’homme, déposèrent des plaintes et des demandes d’habeas corpus (recursos de amparo), malgré les refus répétés des tribunaux d’accepter leurs recours. Les éléments de preuves recueillis directement après les évènements et les plaintes déposées pendant la dictature fournirent les bases nécessaires pour que la justice continue son travail après que l’État de droit ait été restauré.

La Commission Interaméricaine des droits de l’homme a confirmé que sur plus de 5000 demandes d’habeas corpus déposées entre 1973 et 1987, seulement 10 ont été accordées alors que les victimes étaient déjà décédées. En 1991, le rapport de la Commission Vérité et Réconciliation conclut que les tribunaux auraient pu sauver des vies et protéger des prisonniers de mauvais traitements s’ils avaient accepté les milliers de demandes d’habeas corpus.

“Self-Pardon”

Le régime militaire, qui a violé les droits de l’homme de façon grave et systématique, a fait en sorte de se protéger contre toute action judiciaire grâce à un décret d’amnistie, DL 2191, en 1978.

Quand DL 2191 est entré en vigueur en avril 1978, les prisons chiliennes et les camps de prisonniers contenaient des centaines de prisonniers politiques, dont la plupart n’avaient jamais été jugés ni même condamnés. En janvier 1978, la découverte des restes de 15 personnes dans une mine de calcaire abandonnée à Lonquen, fournit pour la première fois des preuves concrètes quant au sort réservé aux personnes disparues, alors que les États-Unis demandaient, avec insistance, l’extradition des auteurs de l’assassinat d’Orlando Letelier, commis à Washington DC en septembre 1976.

« Self-pardon » crée par les dirigeants militaires afin de bénéficier aux agents qui avaient été chargés de la mise en œuvre de leur politique répressive, DL 2191 protégeait contre toutes poursuites judiciaires ceux qui avaient été les auteurs, les accessoires ou avaient caché des crimes commis depuis le jour du coup d’État, jusqu’au 10 mars 1978, lorsque l’état de siège avait été levé temporairement.

Lorsque la transition vers la démocratie débuta, DL 2191 et d’autres lois de facto- notamment la Constitution de 1980- n’ont pas été abrogées, comme les partis démocratiques l’avaient annoncé, en partie à cause du manque de majorité au Congrès. Les agences internationales des droits de l’homme, telle que la Cour Interaméricaine des droits de l’homme, ont condamné le décret d’amnistie comme étant une violation des traités dont le Chili faisait partie (Voir l’affaire Luis Almonacid, 2006).

Evolution Doctrinale :

Pendant la dictature, les tribunaux ont appliqué la loi d’amnistie sans enquêter sur les affaires. Accuser le personnel militaire de crime était un motif suffisant pour que les tribunaux ordinaires se déclarent incompétents et transfèrent une affaire concernant les droits de l’homme à des tribunaux militaires, qui fermaient automatiquement les dossiers.

Pendant les premières années qui suivirent la fin de la dictature, les tribunaux ont continué de suivre cette règle, rejetant systématiquement les affaires concernant des personnes disparues sur la base du décret d’amnistie. Vers la fin de l’année 1994, le Président Patricio Aylwin favorisa la réinterprétation de DL 2191, ce qui conduisit les tribunaux à enquêter sur les faits et à identifier les personnes responsables, plutôt que d’invoquer automatiquement le décret d’amnistie.

Le 21 septembre 1994, le Premier Banc de la Cour d’Appel de Santiago a statué à l’unanimité pour la réouverture de l’affaire concernant Anselmo Radrigan, enlevé en pleine rue en 1974 par la police secrète DINA. Révoquant l’application de la loi d’amnistie, la Cour a statué que le crime d’enlèvement existait tant que la victime n’était pas retrouvée, vivante ou morte. D’autres cours d’appel suivirent cette jurisprudence les jours qui suivirent en prononçant des décisions similaires qui confirmèrent la primauté des Conventions de Genève sur le droit interne.

Le 12 septembre 1998, une décision de la Cour Suprême créa un précédent historique en ordonnant la réouverture de l’affaire de la disparition d’Enrique Poblete Cordoba, en 1974, qui faisait écho à l’argument du « crime continu » mis en avant par les cours d’appel quatre ans plus tôt.

Depuis, les juges ont rarement invoqué le décret d’amnistie, ce qui permit pour la première fois l’avancée des investigations judiciaires. Cependant, à moins que le décret DL 2191 ne soit abrogé, il n’y a aucune garantie qu’un changement politique n’envoie aux tribunaux un signal différent et renverse cette tendance.

Prééminence du Droit International

Le décret 5, adopté par la junte, définit l’état de siège comme étant synonyme d’état de guerre (L’état de siège, impliquant la suspension des libertés individuelles, était en vigueur depuis le jour du coup d’État jusqu’en mars 1978 et a ensuite été remplacé par l‘état d’urgence du 11 mars 1981 au 27 août 1988). Pendant la dictature et jusqu’à aujourd’hui, les anciens dirigeants militaires et leurs collaborateurs ont utilisé cette interprétation pour justifier leurs pratiques.

En déclarant l’État de guerre au Chili, la junte a involontairement invoqué les Conventions de Genève qui imposent la protection des prisonniers de guerre et prohibent les exécutions sommaires. Pendant 25 ans, les tribunaux Chiliens ont refusé d’appliquer les Conventions de Genève comme à des cas touchant des violations des droits de l’homme. Il a fallu attendre l’affaire Poblete, précédemment citée, pour que les tribunaux acceptent la prééminence des traités internationaux sur le droit chilien, et que les violations des droits de l’homme commises par la dictature militaire constituent des crimes contre l’humanité.

Suite à l’arrestation d’Augusto Pinochet le 15 octobre 1998 à Londres, le crime de génocide est devenu l’une des principales causes d’action en justice contre l’ancien dictateur et ses collaborateurs.

Ceci représente un des développements les plus significatifs de la jurisprudence chilienne, permettant de surmonter le décret d’amnistie et les législations, limitant les actions en justice, et de faire avancer de nombreuses affaires.

Le 5 janvier 2004, la Cour d’Appel de Santiago, citant les Conventions de Genève et la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, a prononcé les premières condamnations dans une affaire de disparition, concernant un tailleur de 26 ans, arrêté le 7 janvier 1975.

La Torture Reconnue comme Crime Contre l’Humanité:

En mars 2005, le juge Alejandro Solis a émis le premier acte d’accusation pour torture dans le cadre d’une plainte déposée par des survivants. Sur la base de la Convention contre la Torture et autres Peines ou Traitements Cruels, le juge a identifié trois éléments définissant l’acte de torture au Chili :

« 1) L’acte a causé une douleur ou des souffrances, physiques ou psychologiques, extrêmes ; 2) Il a été infligé de façon intentionnelle, et 3) L’auteur est un agent public ou une personne exerçant des fonctions publiques, et a été incité par des fonctionnaires ou de son propre chef. »

Dans sa décision, le juge Solis a rappelé le développement de la jurisprudence internationale concernant la torture, depuis le Tribunal de Nuremberg et les Conventions de Genève, jusqu’à l’établissement de la torture comme norme de jus cogens.

Le 27 janvier 2010, la Cour d’appel de Santiago a rendu la décision la plus récente reconnaissant le crime de torture. Après six ans d’investigations, le juge Alejandro conclut que : quatre agents secrets ont torturé Sergio Aguilo pendant 10 jours en décembre 1981. Aujourd’hui, Aguilo est un membre important du Congrès national.
Une Tendance Dérangeante : Mises en Accusations et Faibles Condamnations :

FASIC, qui est depuis 1992 le principal représentant légal de victimes, a rapporté qu’à partir de mai 2009, 702 actes d’accusation avaient été délivrés contre des membres des forces armées, des policiers, détectives et des civils. Parmi les défendeurs se trouvent 39 généraux, 6 amiraux, 71 colonels, 16 brigadiers généraux, 31 lieutenants colonels et 313 officiers de rang inférieur.

Des peines ont été prononcées contre 109 officiers de l’armée , 11 officiers de la marine nationale, 20 de l’armée de l’air, 98 policiers, 9 détectives et 13 civils.

Le Général Manuel Contreras, directeur de l’ancienne police secrète DINA, a été condamné dans plusieurs affaires, pour divers chefs d’accusation, pour un total de 300 ans de prison. 90 ans d’emprisonnement ont été définitivement confirmés.

Dans un rapport rendu le 1 février 2010, le juge de la Cour Suprême Sergio Muñoz a noté que 326 affaires sont en cours. Parmi elles, 239 en sont au stade des investigations, 14 ont été jugées en première instance et 47 autres attendent le verdict de la Cour d’appel ou de la Cour Suprême.

Muñoz a également demandé à des détectives de la Brigade des Droits de l’Homme d’enquêter sur le cas de 1 167 victimes de la dictature pour obtenir des éléments de preuves afin que de nouvelles plaintes puissent être déposées. Il s’agit d’affaires que la Commission Vérité et Réconciliation n’a pas traité par manque de preuves.

Cependant, même si les tribunaux ont fait des avancées significatives en matière d’investigations, la tendance actuelle consiste à attribuer des peines anormalement faibles aux responsables. Par exemple, dans l’affaire du docteur Equatorien Jose Felix Garcia Franco, quatre officiers de police à la retraite avaient été condamnés à 10 ou 8 ans de prison pour l’arrestation de Garcia le 13 septembre 1973, dont le sort est inconnu depuis cette époque. Le 1 janvier 2009, la Cour d’appel de Santiago a diminué les peines des quatre accusés à 5 ans d’emprisonnement, période permettant de bénéficier d’une libération conditionnelle et d’éviter ainsi la prison. La Cour a invoqué le concept juridique chilien de la « demi-prescription » (media prescripción ou prescripción gradual, d’après l’article 103 du code pénal) d’après lequel une peine peut être réduite quand plus de la moitié du délai de prescription est écoulé.

De telles décisions, nommées “condamnations sans peines” (“condena sin castigo”), de plus en plus répandues depuis 2007, contredisent la doctrine qui prévalait depuis Poblete Cordova, selon laquelle les crimes commis contre les droits de l’homme ne sont pas prescriptibles et leur auteur ne peut pas bénéficier de circonstances atténuantes. Dans cette affaire, la cour avait cité, comme circonstance atténuante « un comportement passé sans tâches » (intachable conducta anterior), qui est un concept tout aussi inhabituel lorsqu’il s’agit d’apprécier des violations des droits de l’homme.

A la même époque, des procès civils avaient pris de l’ampleur et dans l’affaire Garcia Franco, la Cour confirma le versement de 30 millions de pesos de dommages et intérêts.

Un Futur Incertain:

Les quatre présidents de l’alliance démocratique qui gouvernèrent le Chili pendant les vingt ans qui suivirent la fin de la dictature ont eu une approche ambiguë des droits de l’homme. Tandis que la Commission Vérité et Réconciliation a enregistré plus de 3000 violations des droits de l’homme, les témoignages recueillis ne seront pas recevables devant les tribunaux. Aussi, 35 000 personnes ont témoigné devant la Commission sur l’emprisonnement politique en 2004 mais leurs témoignages seront eux aussi inaccessibles pendant 50 ans. Le 11 janvier 2010, la Présidente Michelle Bachelet a inauguré le Musée de la mémoire alors que seulement 50% des victimes avaient alors eu des actions en justice déposées en leur nom.

L’annonce de la fermeture du département juridique de FASIC pour cause de financements insuffisants, risque de nuire aux aspirations de justice, notamment en vue de la réouverture prévue en 2010 de la Commission Vérité et Réconciliation et de la Commission sur l’Emprisonnement Politique, afin que celles-ci puissent recevoir de nouveaux témoignages.

Malgré une politique qui privilégiait la vérité à la justice, des avancées significatives ont été réalisées dans le domaine judiciaire. Des investigations méticuleuses menées sur les pratiques répressives du régime militaire ont convaincu Juan Guzman Tapia que Pinochet avait nommé à la Cour d’Appel, et d’autres magistrats, d’inculper l’homme qui l’avait promu.

La venue au pouvoir de l’homme d’affaire Sebastian Pinera, élu président de la République du Chili le 17 janvier 2010, marquera le début d’une période d’incertitude pour la protection des droits de l’homme et des questions d’ordre social en général. Pendant la campagne présidentielle, Pinera, candidat de la coalition de droite qui comprend des collaborateurs de l’ancien régime militaire, a promis aux familles des victimes de ne pas intervenir dans le déroulement des affaires et aurait ensuite demandé à 700 officiers militaires à la retraite d’accélérer les procédures en appliquant les lois de prescription.

Les magistrats ont pris leurs distances vis-à-vis de l’ancienne dictature militaire, mais les relations que le pouvoir judiciaire entretenait avec ce régime continuent de discréditer leur travail. Le système judiciaire chilien sera une fois de plus mis à l’épreuve par les futurs changements politiques.