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jeudi 11 décembre 2014

BRÉSIL: LA FIN DE L’AMNISTIE RÉCLAMÉE 30 ANS APRÈS LA DICTATURE

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DES ANCIENS PRISONNIERS POLITIQUE TÉMOIGNENT DEVANT LA LA COMMISSION NATIONALE DE LA VÉRITÉ (CNV). PHOTO ROBERTO NAVARRO
Le pays reconnaissait jusqu’à présent quelque 400 morts ou disparus pendant cette période noire, contre 30.000 sous la dictature militaire en Argentine (1976-83) et 3.200 au Chili pendant la junte du général Pinochet (1973-90).

Le Brésil est l’unique pays d’Amérique du Sud n’ayant jamais jugé ces crimes, en raison d’une loi d’amnistie votée en 1979.

Selon la CNV, il y a eu également de graves violations des droits des paysans et des indigènes et les 21 ans de régime militaire ont entraîné la mort d’au moins 8.350 Indiens, victimes d’une politique d’Etat «d’action ou d’omission» qui créait les conditions favorables pour les expulser de leurs terres.




Le travail de la commission a été salué mercredi par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui a demandé une diffusion «la plus large possible» de ses conclusions et recommandations.

La Commission nationale de la Vérité (CNV) a été mise en place en 2012 par Mme Rousseff, 66 ans, une ancienne guérillera d’extrême-gauche torturée et emprisonnée sous la dictature. Sa mission : enquêter sur les crimes du régime militaire.

Amnesty international a considéré le rapport comme un «pas historique» qui «ouvre le chemin pour que la loi d’amnistie ne soit plus un obstacle pour enquêter sur ces crimes», selon son directeur au Brésil, Atilo Roque.

- Dilma Rousseff émue -

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LES LARMES DE DILMA ROUSSEFF, REVENANT SUR LES ANNÉES DE DICTATURE AU BRÉSIL. CAPTURE D'ÉCRAN

« Nous respectons et rendons hommage à tous ceux qui ont lutté pour la démocratie », a déclaré la présidente Rousseff, sans pouvoir retenir ses larmes. Sans la vérité, les nouvelles générations et les familles des victimes « continuent à souffrir, comme si leurs proches mouraient de nouveau », a-t-elle ajouté.

La CNV a entendu plus de 1.100 témoignages, dont ceux de Mme Rousseff et des anciens présidents Luiz Inacio Lula da Silva (2002-2010) et Fernando Henrique Cardoso (1994-2002), en deux ans et sept mois de travail. Ce travail a conduit à un rapport de 4.400 pages, a indiqué le rapporteur de la CNV, Pedro de Abreu Dallari.

La CNV a dénombré «377 agents de l’Etat responsables de graves violations» des droits de l’Homme.

Parmi eux, huit militaires, présidents sous la dictature et tous décédés, depuis Humberto de Alencar Castelo Branco (1964-1967) jusqu’au dernier, Joao Baptista de Oliveira Figueiredo (1979-1985). Mais aussi des anciens ministres des forces armées, des diplomates, des policiers et même des médecins au service des tortionnaires.

Prison illégale arbitraire, torture, exécution sommaire, arbitraire ou extrajudiciaire et occultation de cadavres constituaient les principales violations.

- 'Crimes contre l’Humanité' -

Le rapport comprend divers récits de torture comme celui de Marcia Basseto Paes, arrêtée en 1977 : «Outre les chocs électriques dans le vagin, l’anus et les seins, ils m’ont obligée à danser nue devant les policiers».

Femmes violées et insultées, hommes castrés à froid, avortements provoqués par la torture : les prisonniers n’étaient plus maîtres de leurs corps et étaient soumis à la «domination totale» de leurs tortionnaires.

La CNV a estimé que l’application de la loi d’amnistie de 1979, qui avait permis le retour des exilés politiques au Brésil mais garantissait aussi aux tortionnaires de rester impunis, était «incompatible» avec le droit brésilien et l’ordre juridique international.

«Ce sont des crimes contre l’Humanité qui sont imprescriptibles et ne sont pas sujets à une amnistie», souligne la CNV, qui demande la révision de la loi.

Elle recommande aussi d’interdire les célébrations officielles militaires qui commémorent encore le coup d’Etat de 1964 et d’inclure des cours sur la démocratie et les droits de l’Homme dans les académies militaires et policière.

En septembre, l’armée a pour la première fois admis qu’elle ne niait plus les violations des droits de l’Homme commises sous la dictature mais sans reconnaître explicitement l’usage de la torture, ce qui a été jugé «insuffisant» par la CNV.

AFP