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jeudi 4 septembre 2014

ASSASSINAT D'ANDRÉ JARLAN AU CHILI : TRENTE ANS APRÈS SON FRÈRE SE SOUVIENT

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GEORGES JARLAN, REGRETTE QU'EN FRANCE, LA MORT DE SON FRÈRE SOIT TOMBÉE DANS L'OUBLI. 

Peur des débordements

Georges Jarlan a été réveillé à 2 heures du matin le 5 septembre 1984 par un coup de téléphone. Au bout du fil, le père Pierre Dubois, qui lui annonce la mort de son frère André. Le carrossier de Rignac n’arrive pas à comprendre ce qui s’est passé. "Je ne pensais pas qu’il puisse être menacé. Prudent dans son comportement, il vivait avec de jeunes misérables et il était fier de partager leur sort, témoigne-t-il encore aujourd’hui. Dans sa dernière lettre, il effleurait la situation et il avait peur qu’il y ait des débordements. Il aimait à se dépenser à faire quelque chose".

 « André a eu un problème »

Trente ans, jour pour jour, après l’assassinat de son cadet de quatre ans né en 1941 par la police du régime militaire de Pinochet, Georges Jarlan se souvient de tout. Encore aujourd'hui, la voix du frère vacille au fil de son témoignage. « Un des moments les plus durs a été de l’annoncer à notre père Joachim, se souvient-il. J’ai commencé par lui dire « André a eu un problème ». Il a bien vu que c’était plus grave que ça et a fini par me dire “Tu crois que je n’ai pas compris ! ».

Le prêtre aveyronnais a été assassiné le 4 septembre 1984. Sept ans plus tard, le policier suspecté d'avoir abattu André Jarlan a bénéficié d'un non-lieu.

Le prêtre aveyronnais a été assassiné le 4 septembre 1984. Sept ans plus tard, le policier suspecté d'avoir abattu André Jarlan a bénéficié d'un non-lieu. Repro
Une enfance aveyronnaise

André Jarlan est né le 25 mai 1941 à Rignac, d’une mère originaire de Privezac et d’un père natif de Sainte-Croix. Deuxième d’une fratrie de trois (Georges est de 1937 et Henriette, installée à Sébazac et qui a fait sa carrière au Crédit Agricole, de 1944), il est enterré dans le cimetière de son village le 11 septembre 1984.

Alors que son corps a été rapatrié trois jours plus tôt en France accompagné par des milliers de personnes jusqu’à l’aéroport Pudahuel de Santiago, son cercueil avait été déposé, dès le lendemain de sa mort, par les habitants de la Victoria à la cathédrale métropolitaine de la capitaine du Chili.

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ENCORE AUJOUD'HUI AU CHILI, DE NOMBREUSES PEINTURES MURALES RENDENT HOMMAGE AU PRÊTRE AVEYRONNAIS. 
Non-lieu

En 1991, il a été inscrit par la commission nationale Vérité et réconciliation dans son rapport sur les violations des Droits de l’homme commises pendant la dictature militaire du général Pinochet. Quelques jours plus tard, le policier chilien qui a tué le prêtre aveyronnais a bénéficié d’un non-lieu.

Encore aujoud'hui au Chili, de nombreuses peintures murales rendent hommage au prêtre aveyronnais.
Encore aujoud'hui au Chili, de nombreuses peintures murales rendent hommage au prêtre aveyronnais. Repro CP

Célébrations

Si, comme le regrette son frère Georges, « André Jarlan est tombé dans l’oubli en France. Même à Rignac, on sait juste vaguement qui il est ! », ajoute-t-il, la figure d’André Jarlan est tenue en haute estime par les habitants du quartier de la Victoria, où il est considéré comme un symbole de tous ceux qui sont morts pendant le régime d’Augusto Pinochet. « Dans ce quartier, de très nombreuses peintures murales reproduisent son portrait », se réjouit son frère. Une fois par an, une semaine de célébrations lui rendent hommage. C’est le cas en ce moment

Abattu d’une balle dans la nuque en lisant la Bible

Entré au séminaire à Saint-Pierre à Rodez (dont une salle porte désormais son nom) dès l’âge de 12 ans, André Jarlan a choisi la Martinique pour son service militaire. Il avait fait le voyage pour aider les populations locales, il a dû se contenter de... garder les enfants des officiers !

Ordonné prêtre le 30 juin 1968 à Rignac puis nommé vicaire de la paroisse du Gua sur la commune d’Aubin, il a étudié l’espagnol en 1982 à l’Université catholique de Louvain en Belgique. Il est arrivé en février de l’année suivante à la paroisse de la Victoria à Santiago-du-Chili, qu’il dessert aux côtés de son compatriote, prêtre également, Pierre Dubois.

L’opposition au général Pinochet a appelé le 4 septembre 1984 à une journée de protestation. La police entre à la Victoria, bastion de la résistance au régime militaire où le peuple avait dressé des barricades, lançant des cocktails Molotov et déclenchant aussi des incendies. Une balle tirée à dessein perce le mur de bois du presbytère et atteint André Jarlan au cou pendant qu’il lisait la Bible, le tuant aussitôt.