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lundi 4 mars 2013

LES CROATES DU CHILI : UNE DIASPORA EN DEVENIR

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COUVERTURE DU LIVRE « IMMIGRATION CROATE CROATE À MAGELLAN »  PUNTA ARENAS : HOGAR CROATA, 1999 (PUNTA ARENAS : IMPRESOS VANIC)

Andronico Luksić, un success-story à la chilienne

Au début du XXe siècle, quand ils débarquaient dans le port de Punta Arenas, ville aujourd’hui peuplée de 130.000 habitants, les jeunes Dalmates s’installaient principalement dans un quartier rapidement renommé « Quartier croate » (Barrio croata). L’intégration des nouveaux arrivants a été facilitée par la configuration géographique et climatique comparable à la côte dalmate, en plus de l’attachement très prononcé des Chiliens envers l’Eglise catholique. Qui sait que l’ancien Président argentin Nestor Kirchner a des origines croates ? En effet, sa mère, née Ostoić, était née à Punta Arenas de descendance dalmate…

Beaucoup de personnalités chiliennes ont de telles origines, ce qui montre la réussite de l’assimilation croate au Chili, avec par exemple Pascual Baburica dans le secteur du salpêtre ou encore la famille Luksić. Cette success-story à la chilienne remonte aux années 1950 lorsqu’Andronico Luksić Abaroa fonde le groupe éponyme à Antofagasta en commençant dans le secteur du cuivre qui constitue une des ressources naturelles les plus importantes du pays. Au fil des décennies, le groupe connut une forte expansion, tout en se diversifiant dans l’industrie, l’agriculture, la pêche, la forêt, le transport, puis dans les télécommunications, les banques, les chemins de fer… Aujourd’hui encore, le groupe Luksić-Iris Fontbona détient une des premières fortunes du Chili, ce qui lui permet d’apparaître en 32ème position dans le classement des plus grandes fortunes du monde du magazine Forbes…


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ANDRÓNICO LUKSIC CRAIG ( 16 DE ABRIL DE 1954 ), HOMME D'AFFAIRE CHILIEN D'ASCENDANCE UNE CROATE - ANGLAISE, AVEC SA FAMILLE POSSÈDE L'UNE de PLUS GROSSES FORTUNES DE LA PLANÈTE.
Présents dans l’ensemble des catégories socioprofessionnelles, les Croates du Chili se sont tellement bien intégrés dans la société chilienne que se pose aujourd’hui la question de la nature de leurs liens avec la Croatie, dans la mesure où beaucoup d’entre eux ont même oublié la langue de leurs ancêtres. Cette assimilation s’explique, entre autres, par le caractère mixte des mariages. Ainsi, en arrivant dans la région, les colons étaient des hommes seuls qui ont épousé des femmes chiliennes, contribuant ainsi à la dilution progressive de l’identité croate. Pour le consul croate d’Antofagasta, il vaudrait mieux parler de « communauté croate » que de « diaspora croate » pour désigner les Chiliens d’origine croate. En effet, parler de « diaspora » reviendrait à considérer qu’ils entretiennent une double allégeance à la Croatie et au Chili...

En dépit de cette distance, depuis l’indépendance de la Croatie en 1991, une nouvelle prise de conscience de l’identité croate s’est produite. Les Chiliens d’origine croate ont donné un second souffle à la culture de leurs ancêtres : par exemple, un consulat honoraire croate a été créé à Punta Arenas, des comités d’aide aux enfants orphelins de Croatie suite à la guerre d’indépendance ont été créés, et des programmes d’échanges linguistiques et culturels ont récemment vu le jour.

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 LOGOTYPE ASSOCIATION « QUARTIER CROATE » (BARRIO CROATA)


La redécouverte de l’identité croate

Depuis quelques années, les Chiliens d’origine croate redécouvrent leurs origines, principalement à Santiago, Punta Arenas et Antofagasta, c’est-à-dire dans les villes où ils sont les plus nombreux. L’association « Domovina » (« Patrie » en croate), basée dans la capitale, représente un exemple de ce retour aux sources. Créée en octobre 2007 sous l’impulsion de l’épouse de l’ambassadeur croate au Chili, Bernadette Kenderic de Maruna, Domovina a pour but le maintien du folklore croate, la transmission de la culture croate aux jeunes générations et la diffusion des traditions croates, avec notamment des cours de folklore (danse, chant et instruments traditionnels) et de langue croates.

À Punta Arenas, l’apport croate est particulièrement remarquable. Ainsi, une place dédiée à l’Immigrant croate a été inaugurée dès 1978 en célébration du centenaire des débuts de l’immigration. Le sculpteur yougoslave Miodrag Živković a remporté le concours pour construire le « Monument du bout du monde », représentant une famille croate, voisine la plaque commémorative célébrant le centenaire de la création de la compagnie de pompiers croates de la ville. Sur cette même place, une statue de Marko Marulić, le « père » de la littérature croate, trône en souvenir du jumelage entre Punta Arenas, Antofagasta et Split, officialisé en 2000. Un groupe de femmes, le Lieu croate pour l’avenir et le club sportif « Sokol » font également vivre cet héritage dans la ville. Certains affirment qu’un habitant sur deux de la ville de Punta Arenas aurait des origines croates…

Tatiana Arzic, trésorière de l’association Domovina, symbolise cet héritage croate au Chili. Ayant quitté en 1903 l’île de Brač, ses grands-parents s’installèrent d’abord en Argentine, où naquit son père, avant de prendre racine à Antofagasta. Profondément attaché la culture croate, son père l’inscrivit à des cours de danse croate dans une association culturelle pendant son adolescence. Souhaitant approfondir cette identité croate, elle obtint une bourse d’étude pour des cours de langue et de folklore en Croatie pendant un été. En 1985, elle créa le groupe Rasadnik à Antofagasta, avant d’être en charge du groupe Baština pour l’association Domovina. Preuve du regain d’intérêt, en 2008, un nouveau groupe folklorique, Hrvatska Jeka (« L’Echo de Croatie »), a vu le jour sous l’impulsion de ses élèves d’Antofagasta.

Développement des relations diplomatiques et économiques

Depuis l’indépendance croate, les relations croato-chiliennes se développent. En 1994, Franjo Tudjman s’est rendu en visite officielle au Chili. Dix ans plus tard, le chef d’Etat chilien, Ricardo Lagos, a inauguré sur l’île de Brač, d’où seraient originaires 90% des Chiliens d’origine croate, une plaque commémorative rendant hommage aux émigrants croates. En 2005, le Président Stjepan Mesić a inauguré à son tour une avenue de la République de Croatie à Antofagasta. Le 29 mars 2000 a été officialisé le jumelage entre les villes d’Antofagasta et Split.


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LE 25 JANVIER 2013, LE PREMIER MINISTRE CROATE, ZORAN MILANOVIĆ, S’EST RENDU AU CHILI POUR UNE VISITE OFFICIELLE. PHOTO ALEX IBAÑEZ


Le 28 janvier 2013, le Premier ministre croate, Zoran Milanović, s’est rendu au Chili pour une visite officielle, qui l’a mené à participer au IVème Sommet des entrepreneurs entre la Communauté des Etats latino-américains et caribéens (CELAC) et l’Union européenne à Santiago. À cette occasion, un mémorandum d’association et de coopération économique, notamment en matière d’énergie renouvelable, d’industrie, de transport, de production de vin, de tourisme, ainsi que de programmes d’échanges bilatéraux pour les étudiants de l’enseignement supérieur et les professeurs d’université.

Si la Croatie est seulement le 70ème partenaire commercial du Chili, depuis 2008 les échanges se font plus intenses, avec par exemple une augmentation de 230% entre 2008 et 2009. Les relations bilatérales entre la Croatie et le Chili semblent avoir de l’avenir, en dépit de la distance et des difficultés de communication…