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vendredi 24 juin 2011

L'ombre hypnotique de Pina Bausch

PINA BAUSCH. PHOTOCARLA DANNEMANN REVISTA « YA » DU 24 02 2009
Le 30 juin, Pina tirait sa révérence, foudroyée par un cancer qu'elle ignorait, dit-on, mais dont la fatigue lui donnait sans doute l'alarme. Inspiré par le Chili, terre des séismes et des dictatures, « … como el musguito… » se déroule dans une scénographie aussi sobre que forte : juste un sol blanc qui, de temps à autre, se craquelle.

Tout au long de la pièce, la solitude est souveraine. Même si les 17 danseurs donnent des séquences de groupe délicieuses. Même si les danses de couples brillent d'invention. Même si on recense un certain nombre de pépites très bauschiennes dans ces gags qui jouent sur l'endroit et l'envers du machisme, ou dans ces images de terreur (comment oublier la danseuse tirant sur sa corde comme un chien?). Aussi fortes et réussies que soient ces séquences, elles cèdent toutes devant la répétition des solos, entêtants, inéluctables, hypnotiques.

La salle se met debout

Portés par le meilleur des musiques de cet extrême Sud, les danseurs s'y lancent à corps perdu, tâches de couleurs pour les filles, noir pour les garçons, sur l'immensité blanche du plateau. Rien ne peut les atteindre tant ils semblent dans un autre monde : ni la fin du morceau de musique ni la terre qui s'ouvre sous leurs pieds. Ils se montrent tout entier fondus dans l'éternité de la danse, une danse très abstraite. Serait-ce la mort selon Pina, cette errance mystérieuse et têtue, où les sens ne frissonnent plus?

Quand les danseurs enlacés les uns aux autres viennent saluer, la salle se met debout. Pas uniquement pour rendre hommage à la chorégraphe dont la silhouette noire en costume Yamamoto manque toujours cruellement au milieu d'eux. Il s'agit aussi de remercier cette troupe qui relève le défi de l'avenir, avec dans cette création, sept nouveaux danseurs. Choisis par Pina, les anciens leur transmettent les secrets et les arcanes de son univers.

Jusqu'au 8 juillet. Projection de «La Plainte de l'Impératrice», film de Pina Bausch, le 4 juillet. www.theatredelaville-paris.com