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jeudi 6 mai 2010

CHILI : IMPÔT SUR LA MALBOUFFE


"Les campagnes d'éducation sont utiles, mais elles ne suffisent pas pour bouleverser les comportements. En revanche, augmenter les taxes est une mesure efficace, donc il faut l'étudier," a déclaré la semaine dernière le ministre de la Santé, Jaime Manalich, sans donner de chiffres.

L'idée a été applaudie par deux parlementaires de l'opposition de centre-gauche, Guido Girardi et Enrique Accorsi, qui avaient présenté une proposition de loi similaire en 2008, toujours en discussion.

Pour eux, il faut taxer de 20% les aliments contenant trop de graisses saturées, de sel ou de sodium, comme les sucreries ou les produits vendus dans la restauration rapide.

L'objectif est de lutter contre l'obésité en forte hausse depuis la dernière décennie, marquée par une forte croissance économique dans ce pays à la culture très américanisée.

"Les taux d'obésité augmentent dangereusement. La tendance est la même qu'aux Etats-Unis", affirme la nutritionniste Vivian Munoz.

Selon elle, 55% des Chiliens ont des problèmes de surpoids et un tiers des 17 millions d'habitants sont obèses.

Le Chili, devenu en janvier le 31e membre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui réunit les pays les plus riches du monde, compte même davantage de mineurs obèses (18% des enfants scolarisés) que les Etats-Unis (16%).

Côté restaurateurs, on doute cependant de l'efficacité de cette mesure.

"Je ne crois pas que l'augmentation des taxes va entraîner un arrêt de la consommation, car le consommateur finira par payer quand même quel que soit le prix", estime le président de l'Association chilienne de gastronomie (Achiga), Fernando de la Fuente.

"C'est insolite d'imposer ce type de nourriture. Ce n'est pas un vice, comme le tabac ou l'alcool, c'est un besoin biologique", se défend aussi Alberto Prieto, patron de trois enseignes de la chaîne de restauration rapide McRico.

L'analyste Marcelo Brunet juge pour sa part "complexe de définir ce qu'est la malbouffe d'un point de vue juridique". "Pour certains, c'est ce qui contient une quantité élevée de graisse, de sel ou de sucre, mais cela inclut des aliments qui ne sont pas de la malbouffe", plaide-t-il.

Les consommateurs, eux, affirment ne pas avoir le temps de s'alimenter correctement.

"En 30 minutes, c'est quasiment impossible de faire un déjeuner complet, donc il faut prendre quelque chose de roboratif et rapide", déclare Miguel Rojas, employé du centre de Santiago rencontré dans un McRico, où hamburgers et autres sandwiches ont plus de succès que les salades ou les pâtes.

Pour la nutritionniste Vivian Muñoz, le manque de temps n'explique pas tout.

"Les mauvaises habitudes viennent de la maison. La mère a une grande responsabilité dans tout ça", dit-elle.

"Le problème le plus profond est le manque d'éducation. Les gens sont prêts à dépenser plus pour la malbouffe, car elle leur procure du plaisir. C'est comme le tabac", ajoute-t-elle.