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samedi 1 novembre 2008

Chili de Luxe


E
n 1987, « Roman Photo » avait été le premier spectacle de rue étranger autorisé par la dictature chilienne agonisante. Un souvenir fort pour Jean-Luc Courcoult, directeur de la compagnie nantaise qui commençait déjà à faire autorité dans les arts de la rue. Alors le projet de reprise de ce « Roman Photo », en 2004, avec une troupe chilienne composée de 14 artistes multiformes à peine nés en 87, a fait craquer la décision initiale. L'âge aidant, l'idée d'une descendance artistique portée par des jeunes sud-américains qui ont l'énergie du Royal des premières années a fait son chemin et le « Roman Photo » de Gran Reyneta, bien soutenu par les épaules solides du Royal, a produit une première tournée réussie en France. Il y avait l'esprit du Royal de Luxe et une énergie différente, plus exubérante. Créé spécialement pour cette reprise, Gran Reyneta se voyait remettre le lourd flambeau de « fils spirituels ». Et comme les enfants, ils grandissent sous la tutelle de leurs parents. A partir de « Roman photo », ils ont évolué vers une création presque à eux. C'est ce « Cauchemar de Toni Travolta », programmé à Novart. Mais toute l'infrastructure technique et logistique est fournie par Royal de Luxe et la mise en scène, c'est Jean-Luc Coucoult. Il avait depuis longtemps envie de créer une comédie musicale à sa sauce et la polyvalence des Chiliens, musiciens, comédiens, danseurs et clowns, lui en fournissait l'occasion. A partir de cette histoire d'une famille chilienne dont le père se prend pour John Travolta et la mère pour Liza Minnelli, il a glissé des questions sur les chevauchements de la réalité et de la fiction, avec la dictature de Pinochet en toile de fond. Mais la comédie musicale n'est pas hollywoodienne : on y fait allusion, certes, mais l'aimable bonheur des années 50 n'a pas court. On crie, on gueule, il y a du sang et de la violence, c'est parfois trash. C'est du théâtre de rue, quoi.

Une expérience étrange.

Forts à l'aise sous l'ombre protectrice de Royal de Luxe, les comédiens de Gran Reyneta sont divisés sur leur émancipation éventuelle après deux expériences qui les ont propulsés partout en France. Pour Marcela Paz Silva, cela tient « à notre origine très bizarre, puisqu'on s'est créé pour reprendre du Royal de Luxe. C'est ce qui rend difficile de projeter quelque chose. » Et tous ont conscience que ce parrainage est plus un atout qu'une gêne : au Chili, où il est extrêmement difficile encore de jouer en rue sans récolter une amende ou même passer quelques jours en prison, le label de la compagnie nantaise permet d'ouvrir bien des portes et bien des bourses. Marcela, qui avait pris l'habitude de tout se payer elle-même, billets pour les voyages et nourriture en tournée, reconnaît que « c'est une expérience très étrange. Je sais que la vie, c'est pas ça pour les autres. » Alors ils ont fondé un festival au Chili il y a trois ans pour que la graine plantée en 87 par Royal de Luxe et qui a germée en 2005 avec eux puisse enfin pousser librement.

Samedi 1er et dimanche 2 novembre à 17 h 30, lundi 3 et mardi 4 à 19 heures à la Base Sous-Marine (bd Alfred Daney à Bordeaux). Gratuit. 05 56 79 39 56.

Auteur : Jean Luc Eluard